Jack Gauthier : « Les pistes sont riches d’histoire »
Jack Gauthier connaît la forêt et ses sentiers comme le fond de sa poche. « Ça fait 40 ans que je fais du ski de fond partout dans les Laurentides. » Sa fille est la sixième génération de Gauthier née à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, souligne-t-il fièrement. « Mon arrière-arrière-grand-père est arrivé en 1840, avant Édouard Masson. C’est inné dans nous autres, se promener dans le bois. » Malheureusement, les sentiers qu’il a tracés, entretenus et parcourus toute sa vie durant disparaissent, un à un.
« Souvent, je fais du ski hors-piste tout seul. Je vais où je veux et j’ai la grande paix. » Géologue de formation, M. Gauthier raconte comment, plus jeune, il travaillait à la Baie-James. Par hélicoptère, on le déposait en pleine forêt vierge, où il n’avait qu’une boussole et une carte topographique pour s’orienter. Ici, c’est avec le même esprit d’aventure qu’il explore la nature laurentienne. « Je prenais des vieilles cartes, dessinées par Paul D’Allmen. Je les refaisais à la boussole. Je m’orientais par les montagnes et les criques. C’est comme ça qu’on devrait faire du ski nordique. Il y a bien des pistes qui sont riches d’histoire. »
Entretenir les sentiers
Pour enrichir le réseau, Jack Gauthier trace aussi ses propres sentiers. Il me parle de la Cook, la Jack Gauthier, la Skibobby et la Ti-Gilles, qu’il a tracées à Sainte-Marguerite avec Robert Boucher. « Robert, ça fait 25 ans qu’on fait des pistes ensemble. Ces quatre pistes-là, si on n’avait rien fait, elles n’existeraient pas. »
Mais il ne suffit pas de tracer des sentiers : il faut aussi les entretenir pour qu’ils ne disparaissent pas. « À l’automne, j’organise des corvées. On a un groupe Facebook, Les vrais défricheurs du ski nordique des Laurentides. On se retrouve une dizaine pour les corvées. Avec les tempêtes, et le derecho en mai dernier, les sentiers ne s’entretiennent pas tout seuls. » Ces corvées peuvent prendre « trois grosses journées » de travail bénévole.
M. Gauthier en profite pour rebaliser les sentiers, si nécessaire. Sur les balises qu’il installe, il marque maintenant la localité, afin de faciliter les secours en cas d’accident. L’année dernière, un skieur a dû être sorti d’urgence d’une de ses pistes, la Jack Gauthier.
L’hiver, durant ses randonnées, il amène sa sciotte avec lui. « Si quelqu’un écrit qu’un arbre est tombé, on va y aller. On a été chanceux cette année : il n’y a pas eu de verglas encore. » Le passionné souligne que tout ça est fait bénévolement. « Il n’y a personne qui me donne de l’argent pour faire ça. Je paie de ma poche pour imprimer les balises. Du temps, j’en ai donné. Je ne compte pas mes journées. »
Des sentiers qui s’effacent
Pour Jack Gauthier, le ski est aussi une affaire de communauté. Il a organisé et participé à de nombreux évènements sportifs à travers le années : des sorties de ski à Saint-Hippolyte, les festivals en l’honneur du traceur Eddy Fortier, la Traversée des Laurentides, le Marathon canadien de ski, etc. « J’ai toujours fait du ski avec du monde. Mais j’ai 71 ans de faits. Je suis ralenti, je ne fais plus des 12 heures de ski. Je fais 5-6 heures, ou 2-3 heures avec ma blonde. »
Il me parle avec nostalgie d’une époque où il pouvait aller, en ski, n’importe où dans les Laurentides. « Avant, on pouvait partir de l’Estérel, se rendre à Mont-Rolland, puis on descendait à Shawbridge ou on montait à Val-David. Mais au fil des ans, les sentiers ont été amputés », déplore-t-il.
« Quand je faisais la Traversée des Laurentides, ça durait quatre jours. On faisait de Labelle jusqu’à Morin-Heights, et parfois Shawbridge. Chaque année, je changeais de parcours, parce qu’un propriétaire ne voulait plus qu’on passe. Mais un moment donné, ça ne passe plus. »
Ironiquement, il n’y a jamais eu autant de monde dans le bois que depuis la COVID. Il déplore d’ailleurs que d’autres sports que le ski s’invitent dans ses sentiers. Les raquettes, les crampons et les skis Hok endommagent la piste, indique-t-il. « Ils n’ont pas d’affaires là. On a mis tellement d’heures et d’efforts. Mon père disait : « Tu critiques à la mesure de tes efforts. » »
Après cinq éditions, le festival Eddy Fortier n’aura pas lieu cette année. Celui-ci rendait hommage à Eddy Fortier, qui a tracé plusieurs pistes à Mont-Rolland. Le festival pouvait rassembler jusqu’à 250 personnes, indique Jack Gauthier. On y faisait un circuit de 20-25 km de ski de fond. Malheureusement, plusieurs sentiers ont été amputés à travers les années, rendant un tel circuit impossible, regrette M. Gauthier.
1 commentaire
Merci d avoir organisé la rando la gillespie sam.passe et la fleure de lys.vraiment aimé un super beau groupe.merci pour votre temps de bénévolat.