4e Nuit des sans-abris
Par nathalie-deraspe
Vendredi soir dernier, une vingtaine de villes du Québec célébraient à leur façon la Nuit des sans abris. À Saint-Jérôme, l’itinérance nous a été servie comme sur un plateau de tournage. Déroutant.
Une cinquantaine de personnes a bien voulu jouer le jeu pour s’embarquer dans cet autobus qui allait les conduire de tableau en tableau dans les rues du centre-ville de Saint-Jérôme. Auparavant, les organismes communautaires dédiés à la cause ont dressé un bref topo de la situation et fait part de leurs revendications. Le Collectif régional contre la pauvreté en a profité pour interpeller tous les ministères et groupes sociaux afin que ceux-ci travaillent à éliminer l’itinérance. La députée Monique Guay est passée en coup de vent pour appuyer leur travail, avant de faire une déclaration aussi brève que déstabilisante. «Je vais toujours être derrière vous, a-t-elle lancé en prémisse. J’avais à peine 14 ans que j’ai dormi dans la rue à moins 30, derrière un carré de cinéma. J’ai vécu dans une famille d’accueil. Je vous comprends. Et y’a pas de raison que quelqu’un ait à dormir dans la rue en 2008.»
Tableaux convaincants
Premier arrêt, le parc Labelle. Là où chaque semaine les policiers doivent intervenir auprès de gens plus ou moins indésirables. En scène, un itinérant, un vrai. Il fait face à deux policiers aussi vrais que lui. Cette fois-ci, ils jouent ensemble. L’itinérant aura une place où dormir. Heureusement, car le froid et l’humidité transperce tout au passage. Malgré l’humour décapant de l’homme de la rue et le jeu de Kim St-Louis et Simon Tessier, le public a peu de mal à s’imaginer le pire. Deuxième arrêt, Ici par le Arts. Des comédiens mettent en scène un jeune rebelle en rupture avec ses parents. Chaque tableau est tiré de faits vécus. Tous le savent. Chacun reconnaît l’histoire d’un voisin, d’un frère ou d’un cousin. Les émotions montent d’un cran. La nuit s’installe pour de bon pendant que l’autobus se remet à ronronner. Pour nous, il fait chaud jusqu’au prochain arrêt. Mikaël Cassidy-Robert endosse le rôle de cet étudiant qui perd ses parents pour se retrouver du jour au lendemain à la rue. Le malaise s’installe chez le public. Ses vrais parents décrochent une larme. Un futur médecin à la rue? Son acolyte est Normand Robert, organisateur communautai- re. Il endosse l’hom-me délaissé par sa femme et obnubilé depuis par la bouteille. On se croirait rue Sainte-Catherine. La scène ultime a lieu au Café de rue SOS, relocalisé depuis qu’un incendie a ravagé son dernier local. On ne sait si c’est parce qu’ils en ont vu de toutes les couleurs, mais les intervenants de la place, Gonzalez et Adriana, sont cruellement efficaces dans leurs rôles, elle en femme battue, lui en intervenant impuissant à lui trouver une place pour la nuit. Adriana termine sa scène couchée sur un banc de parc.
«Tout ce qui nous reste dans ces cas-là, c’est la lumière de la lune», lance Gonzalez. La soirée s’est terminée autour d’un brasero, en appui à ceux et celles qui n’ont d’autre choix que de passer la nuit dehors. Voyage au cœur de l’itinérance, drame social mis en scène par un comité formé des travailleurs du Centre Sida Amitié, du Café de rue SOS, de l’Écluse des Laurentides, du CSSS Rivière-du-Nord/ Mirabel-Nord et d’Ici par les Arts. À l’affiche tous les soirs dans une rue près de chez vous. Ils sont 50 à errer dans le grand Saint-Jérôme quotidiennement. Ils sont 200 à le faire de façon sporadique.»
En bref
À L’Écluse des Laurentides, établi plus au nord, il n’existe aucun lieu physique où accueillir les personnes itinérantes. De Sainte-Adèle à Mont-Laurier, pas de place. La travailleuse de rue Mélanie Boucher, doit les référer dans un des centres situés au sud. Le Centre Sida Amitié possède des ressources en hébergement mais la plupart du temps, les 9 lits sont tous occupés. On propose alors Lachute, Laval ou encore Montréal. Sans le sou, les sans abris peinent à regagner la région. Parce que ça leur complique davantage la vie, ils se résignent bien souvent à demeurer dans la rue. «À Saint-Jérôme, les infrastructures sont là, déplore l’un des organisateurs de la 4e Nuit des sans-abris, Gaston Leblanc. Il faudrait seulement trouver de l’argent pour embaucher deux intervenants qui soient disponibles 7 jours sur 7 pour offrir un endroit chaud et chaleureux où les gens pourraient au moins dégriser, manger une soupe ou reprendre leur esprit avant le matin.» Avec 21 ans à travailler dans la rue, celui-ci a côtoyé des fils de juge, des enfants de notaire, des médecins, des avocats. L’intervenant affirme qu’il a déjà des idées à soumettre au comité pour la prochaine nuit des sans-abris. D’ici là, cette bande au cœur chaud exhorte la population d’interpeller leurs élus par des pétitions et des appels téléphoniques pour regagner les programmes qui viennent en aide aux plus démunis.