« Est-ce qu’ils attendent que je sois une autre victime qui passe à la télévision? »
Récemment, Élodie (non fictif) a quitté son conjoint après plusieurs mois dans une relation toxique au sein de laquelle elle vivait de la violence conjugale psychologique, sociale, verbale et monétaire.
Son ex-conjoint espionnait sa vie privée, fouillait son téléphone, lisait ses conversations et surveillait étroitement ses interactions. Élodie était régulièrement confrontée par ce dernier : « Avoue que t’as couché avec! », pouvait-il lui marteler au sujet d’autres hommes qu’elle connaissait. Les insultes étaient régulières : salope, bonne à rien, sans avenir, faible. Il rabaissait aussi sa famille et ses amis. Elle était devenue très isolée. Il pouvait la localiser et épiait ses déplacements. Il avait même installé des caméras dans leur résidence pour la surveiller.
Un accès compliqué aux ressources
« Je pleurais le soir dans mon bain parce que je n’étais plus capable. Il fallait que je m’en aille, c’était toxique comme environnement. » Lorsqu’Élodie a fait le choix de partir, elle est alors entrée en contact avec SOS violence conjugale pour être hébergée. Enceinte, on lui aurait souligné que les va-et-vient pour les rendez-vous médicaux, ainsi que sa garde partagée avec ses enfants, présenteraient des défis supplémentaires. Des visites nécessiteraient des périodes d’isolement et des tests pour la Covid-19. Le processus étant complexe et angoissant, Élodie finit par l’abandonner. Nous avons questionné Fannie Roy, coordinatrice de la Maison d’Ariane, à ce sujet. Bien qu’elle ne puisse pas se prononcer pour l’ensemble des maisons d’hébergement qui ont leurs propres règles, elle assure que de son côté, tout est mis en place pour s’adapter aux besoins de la femme. Il est possible de s’ajuster pour les visites d’enfants et les rendez-vous médicaux ne sont pas un problème.
Élodie a tout de même bénéficié de services d’aide à distance offerts par SOS violence conjugale qui lui ont « ouvert les yeux ». Ses échanges avec l’intervenante lui ont permis de comprendre qu’elle vivait de la violence conjugale.
« J’aurais dû arriver avec la mâchoire cassée »
Peu de temps après avoir quitté son ex-conjoint, Élodie entreprend aussi des démarches pour déposer une plainte au Service de police de Saint-Jérôme, dans l’objectif d’être protégée. Elle leur explique alors le harcèlement qu’elle a subi depuis son départ et tout ce qu’elle a vécu comme violence depuis des mois. Le Service de police n’aurait pas pris la plainte, déplore Élodie. Il semblerait que les preuves n’aient pas été suffisantes. « C’est comme s’il fallait qu’il me touche physiquement pour qu’ils prennent la plainte et qu’ils me croient. » Pour qu’on la prenne au sérieux, il aurait fallu qu’elle arrive « avec la mâchoire cassée », illustre-t-elle.
Cependant, le Service de police de Saint-Jérôme nous a confirmé le 9 avril qu’une enquête était en cours et que la plainte avait été reçue. (Plus de détails à venir dans notre prochaine édition du 14 avril.)
« La violence psychologique, à moins qu’elle soit accompagnée de violence physique, de violence sexuelle ou d’harcèlements, elle est difficile en ce moment à être reconnue par nos instances de sécurité publique et judiciaire », reconnaît à contrecœur Fannie Roy. La coordonnatrice indique tout de même qu’un travail se fait pour reconnaître le contrôle coercitif comme une forme de violence criminalisable. Elle a bon espoir que les choses changent et évoluent. « Mais à l’heure actuelle, effectivement, c’est un grand frein. »
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Les ressources
SOS violence conjugale
1 800 363-9010
sosviolenceconjugale.ca
Maison d’Ariane
450 432-9355
maisondariane.ca
L’Ombre-Elle
819 326-1321
lombrelle.qc.ca
Accroc:
organisme des Laurentides qui vient en aide aux hommes qui ont des comportements violents
1 877 460-9966 | 450-569-9966
accroc.qc.ca