À la confesse
Par Josée Pilotte
Les intellos s’en sont donnés à cœur joie et ont fait pendant des années ce qu’ils savent faire le mieux: du bashing! J’étais de ceux-là.
Remarquez bien que ça faisait de bonnes conversations de salons, une-mouche-enculant-l’autre-etc… Je m’y vois encore, dans le salon, le propos en cul-de-poule dénonçant avec ferveur la vacuité de la chose.
Bon. J’ai l’air de tourner autour du pot; c’est parce que l’aveu est de taille.
J’ai l’air de tourner autour du pot, et ça me rappelle cette dame croisée dans un parking de Sainte-Adèle (décidément, on dirait que toute ma vie se passe dans les parkings!), cette dame qui me reprochait de ne pas aboutir dans mes chroniques: «Madame Pilotte, j’vous aime bien, mais Dieu que parfois j’ai de la misère à vous suivre dans vos chroniques… j’finis toujours par seulement comprendre où vous voulez en venir au bout de 50 lignes… là à la 51e ligne… ben mon Dieu que vous finissez toujours par me surprendre!»
Faut dire que j’aime bien les préliminaires – avant de faire un bouquet il faut toujours bien en cueillir les fleurs une à une, han?
Accouche qu’on baptise Jopi: la 51e ligne est là!
<p>Bon, donc je l’avoue: j’aime Star Académie.
Ouf j’l’ai dit!
Je suis touchée par ces jeunes artistes en pleine construction, porteurs d’une œuvre qu’ils ne connaissent pas encore. Porteurs d’espoir aussi pour toute une génération. Je les trouve articulés, la richesse de leur vocabulaire me surprend – quel contraste avec l’image qu’on se fait de cette génération-du-texto.
Je suis aussi presque jalouse du privilège qu’ils ont d’être entourés de grands de tous les domaines, qui les forment, et les forcent à se dépasser, à comprendre, à se comprendre, à s’ancrer. Même les plus engagés, les plus critiques face au concept aux premières heures de Star Académie ont fini par déposer les armes et viennent aujourd’hui donner au suivant…
On est bien loin d’une Nathalie Simard chantant: «À ton départ / J’attendrais que reviennent / Les violons de Verlaine»…et qui était incapable d’expliquer en entrevue ce qu’elle chantait. Verlaine, un poète maudit? Pour elle, ç’aurait aussi bien pu être le nom d’une tisane. Elle n’a pas eu la chance d’entendre Ginette Reno expliquer aux académiciens, en y mettant toutes ses tripes, combien il est important de comprendre ce que l’on chante et de le ressentir dans tout son corps: «C’est comme faire l’amour!»
C’est vrai qu’on a reproché à Star Ac’ de formater des artistes de 3 minutes 20 secondes. C’est vrai que c’est avec Star Ac’ qu’on a compris tout le pouvoir et le risque de la convergence (TVA/7Jours/Journal de Montréal/Archambault). Oui, c’est vrai. Mais c’est aussi vrai que ces jeunes ont une véritable flamme et que Star Académie leur permet de la faire briller.
Si nos jeunes étaient plus exposés à la parole d’un Patrick Huard , d’un Biz (Loco Locass) ou d’une Ginette Reno, ils trouveraient là peut-être le modèle dont ils ont besoin pour se dépasser.
Dire qu’à notre époque – et même encore aujourd’hui dans les cafés du Plateau –, il fallait pour être un «vrai» artiste aimer la nuit, porter le noir et boire du fort. L’air torturé, un recueil de poésie de Verlaine dans la poche du jacket de cuir et les poignets tailladés comme Robert Smith de The Cure, c’était ça être un «vrai»!
Oui y’a ben juste les fous qui ne changent pas d’idées.
Bon, je sais qu’il y en a parmi vous qui allez me dire que je ne suis qu’un paradoxe sur deux pattes puisque je passe ma vie à critiquer Quebecor, je sais. Mais même dans le noir, il y a parfois du blanc ne trouvez-vous pas? Pierre Karl a bien rencontré Julie, non?!… S’cusez-la, je ne pouvais m’en empêcher!
Oui, y’a juste les fous qui ne changent pas d’idée, disais-je.
Je relis le recueil de «rapoésie» de Loco Locass, Manifestif, publié en 2000 aux éditions Coronet Liv, et y retrouve ces mots de Biz et sa bande:
«C’est que la presse est pognée / Dans les mains d’une poignée / De CONRADicaux qui se balladent en PÉLADEAU / Sur DESMARAIS venteux / Avant eux, il se démarrait à gauche, à droite / Quantité de quotidiens indépendants / Dorénavant dans le vent uniformisant soufflant (…) / La barre n’est pas haute / (…) / Je me demande s’il faut informer la nation / Ou la former selon l’opinion de quelques gros canons»
Douze ans plus tard, Biz est à TVA, et Jopi aime Star Académie.