Automobiles usagées : Des concessionnaires chargeraient encore des frais illégaux
Par Luc Robert
L’Office de la Protection des Consommateurs (OPC) mise sur un nouveau projet de loi provincial à l’étude pour mettre au pas des concessionnaires et groupes automobiles qui continueraient à imposer des frais illégaux à des clients, mais qui sont devenus invisibles sur les contrats et factures.
L’interdiction de saupoudrer des frais additionnels affichés a presque fait disparaître ceux-ci des contrats d’achats finalisés. Toutefois, des futés auraient trouvé le moyen de les conserver discrètement dans les transactions.
« Encore récemment, les concessionnaires se faisaient pointer du doigt à chaque fois que des frais quelconques étaient ajoutés aux factures de clients. La pandémie a ensuite eu le dos large et a servi un échappatoire. Pourquoi afficher des frais et se faire ensuite rabrouer et mettre à l’amende ? Certains patrons de concessionnaires auraient vite changé leur fusil d’épaule. Tu hausses en douce le prix total des véhicules et/ou des pièces, en y incluant les petits extras qui étaient devenus le gravy avant. De nos jours, les extras sont souvent encore là, mais ils ne sont plus affichés à la facture totale. Ils sont plutôt inclus dans la hausse globale des prix », a témoigné un vendeur requérant l’anonymat, qui se dit heureux de ne plus avoir à pousser pour vendre des extras.
Pas toutes condamnables
L’auteur de plusieurs recours collectifs en la matière, Me Jimmy Lambert, spécifie toutefois que certaines procédures mise de l’avant ne sont pas nécessairement toutes condamnables.
« Selon la l’article 224c de la Loi sur la protection du consommateur, les commerçants ne peuvent exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé. S’il y a décomposition du prix, là il y a une infraction. Avec les difficultés du marché, il arrive que des concessionnaires tirent la couverte. Mais s’il y a un prix total, sans surprise, il n’y a pas de violation. C’est alors une saine concurrence », a-t-il expliqué.
En bref, le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service.
« Nos dossiers de recours sont volumineux et suivent leur cours. Les concessionnaires en général semblent avoir compris et marchent plus droit. Ceux qui sont légaux nous remercient de nos interventions. Ils ne veulent pas d’une concurrence déloyale. La population est plus avisée. Si les amendes sont rehaussées, les récalcitrants risquent d’être moins nombreux et ce sera une bonne chose », a estimé Me Lambert.
Nouvelle réalité
Notre vendeur source a ajouté que des concessionnaires n’ont pas eu le choix (sic) de se « réinventer ».
« Les Américains qui viennent vider nos stationnements en achetant nos véhicules à 35 % de rabais en raison du taux de change, ce n’est pas une légende urbaine. Les aftermarkets (vendeurs de pièces usagées) qui fonctionnent à plein régime parce que le parc automobile vieillit (les gens qui conservent plus longuement leurs voitures), ça nous affecte aussi au service et aux pièces. Et garder des véhicules neufs en montre coûte une fortune. Des concessionnaires ont vu leurs profits fondre comme neige au soleil, malgré les regroupements. Je n’ai pas de preuve formelle, mais la facture finale qui augmente (au client) concorde souvent à la somme des extras d’antan affichés. Drôle de hasard, non ? », a-t-il ajouté au sujet de certains prix affichés en publicité, qui peuvent être supérieurs une fois rendus chez les concessionnaires pour négocier.
Le Klondike
Le marché de l’usagé est vite devenu le refuge des concessionnaires. Certaines pratiques, dont celle qui consisterait à faire rouler des voitures neuves pour les rendre usagées et plus attrayantes, ne font pas non plus l’unanimité dans le milieu.
« Les voitures usagées sont devenues plus chères que les neuves, en raison de la demande. Certains feraient exprès pour les rendre usagées et en tirer un meilleur prix. C’est l’esprit de la loi actuelle qui est contourné, comme dans l’affichage. Malgré des enquêtes, constats et amendes, les récidives de concessionnaires sont deux fois plus élevées qu’il y a quelques années. Celles concernant les contrats de ventes de voitures usagées sont en très fortes hausses », a témoigné M. Charles Tanguay, responsable des partenariats stratégiques et des relations avec les médias à l’OPC.
Plus de dents
L’OPC compte d’ailleurs sur un projet de loi provincial à l’étude pour resserrer les mesures.
« Il arrive que nous débarquions chez un concessionnaire pour valider si les prix des contrats de ventes sont identiques (sauf pour les taxes ajoutées) à la publicité qui a été faite auparavant. Il existe de amendes allant de 2 000 $ à 100 000 $, selon les offenses. Les examens surprises sur place sont efficaces, mais la nouvelle loi rehausserait le maximum des amendes et des mesures. Ça pourrait aller des sanctions administratives, jusqu’à la suspension ou l’annulation pure et simple de permis de ventes émis par l’OPC », a détaillé M. Tanguay.
Un autre procédé souvent entendu consisterait à demander au client une somme supplémentaire de 500 $ à 1 500 $, s’il fait l’achat d’un véhicule au comptant, ce qui servirait de compensation à la ristourne alors non-touchée par les concessionnaires venant des firmes de financement.
« S’ils exigent l’obtention d’un prêt, le remboursement en totalité auprès du prêteur peut se faire en sortant de là (concessionnaire). Tu te sauves des intérêts, dépendant des modalités », a repris M. Tanguay.
Des concessionnaires et des groupes automobiles ont préféré ne pas commenter nos questions sur certaines pratiques de ventes de véhicules évoquées par des gens du milieu.
Exemples des frais illégaux, qui seraient réclamés par des concessionnaires, visés par les recours collectifs du cabinet d’avocats Lambert :
- Frais d’administration;
- Frais de Carproof;
- Frais de concession/concessionnaire
- Frais de documentation;
- Frais de dossier;
- Frais de financement;
- Frais d’inspection;
- Frais de livraison;
- Frais de mise en route;
- Frais de préparation;
- Frais de paiement en espèces;
- Frais de reconditionnement;
- Frais de différents accessoires, dont le système de sécurité « antivol »;
- Frais de transport;
- Frais de trousse de départ.