Chronique | Alcool : J’ai peur de flancher
J’aime boire. Pas trop, mais souvent. Je me suis donc décidé. Je prendrai une pause. Pas une goutte pendant le mois le plus long de l’année : février. Juste pour briser l’habitude. Juste pour voir, aussi, si je suis capable. Mais ça me fait peur. Un peu. En fait, plus que je ne le pensais. Serai-je capable de dire non, pendant 29 jours ?
Boire est devenu banal. Toutes les excuses sont bonnes. Célébrer, oublier, relaxer ou passer le temps : un petit verre, ça va aussi bien avec la joie qu’avec la tristesse ou l’ennui. Mais souvent, l’alcool accompagne aussi mon quotidien. Par réflexe. Avec le souper du mardi ou après un long lundi. (Le deadline est stressant, parfois.) Ça fait qu’il n’y a plus beaucoup de soirs sobres.
Autour de moi, certains collègues et amis font le mois sans alcool pour cette même raison : prendre leurs distances et remettre leur consommation en perspective. Mais quelques-uns trichent déjà, avouent-ils mi-amusés, mi-coupables. Ou ils ont tenté le défi en janvier, mais ont flanché bien avant la fin du mois. L’important, disent-ils, ce n’est pas d’arrêter complètement. C’est de boire moins. De se modérer. De se dire non plus souvent.
Mais j’ai de la misère à arrêter « un peu ». Ce premier week-end sans boire, j’ai déjà trouvé ça difficile. Samedi soir, ç’aurait dont été bon, une petite bière devant le film avec le popcorn. Surtout quand ils en boivent bien, eux, à l’écran ! C’est peut-être la preuve qu’une pause s’impose : à peine quelques jours et ça me manque déjà.
Pourquoi donc ? Je crois que l’alcool, comme bien d’autres petites habitudes, est une béquille. Je m’appuie dessus, pour éviter l’ennui ou l’inconfort. L’alcool devient une façon facile de fuir.
Trop souvent au quotidien, je veux éviter le présent, plutôt qu’accepter son inconfort. Ou je veux endormir des émotions, plutôt que les laisser m’habiter. Ce n’est pas que je sois malheureux ou déprimé. (Quoique les jours gris et le manque de lumière m’affectent chaque année.) Mais c’est plus facile d’être heureux, ou content, avec un peu d’ivresse.
Et vous, quelles sont vos béquilles ? Scroller sur les médias sociaux des heures, sans pourtant y trouver de plaisir ? Griller une petite cigarette en guise de pause ? Boire un petit café (ou deux, ou trois) pour commencer la journée… ou l’après-midi ?
Ce que me disent aussi mes collègues et amis, c’est à quel point l’alcool est omniprésent, surtout socialement. Difficile de partager un souper, de voir des amis, de sortir une soirée sans prendre un verre. Ou lorsqu’on est le seul à rester sobre. Une amie, lorsqu’elle a refusé une coupe de vin, s’est fait demander si elle avait quelque chose à annoncer !
« Ce n’est pas difficile. Mais c’est plate », m’a dit Josée, mon éditrice, qui réussit à se priver chaque année, souvent pendant deux mois. « En soirée, tu n’es pas au même niveau que les autres. Et ça te fait prendre conscience de la place que ça prend. »
Donc en commençant ce défi, j’ai peur. J’ai peur que ma béquille me manque. J’ai peur de l’ennui. J’ai peur de ne pas arriver à dire non. Et j’ai peur, en ayant pris cet engagement, de me décevoir.
Mais cette peur, c’est un bon signe. La peur est souvent une excellente guide. Elle indique un nouveau chemin, qui est difficile mais important. Et ce n’est pas en disant « non », mais bien en affrontant cette peur, qu’on se libère.
À votre santé !
1 commentaire
Très à propos votre commentaire M. Cordeau
J’ai vécu le même questionnement il y a dix ans pour m’apercevoir que j’étais alcoolique, que j’avais perdu ma liberté. Que toute ma vie était ponctuée par mon besoin de consommer de l’alcool .
J’ai alors décidé de reprendre possession de ma santé physique, psychologique et affective à l’aide d’une thérapie, heureusement payée par mon employeur. Je suis maintenant heureux et sobre 🙌☀️😊