Le syndrome Patatoïde

Par Jean-Claude Tremblay

« Patatoïde », c’est un terme qui est parfois utilisé en mathématiques pour désigner un « objet sans propriété géométrique utile ou connu ». Dans le meilleur des cas, cet « adjectif singulier invariant en genre » peut servir à faire référence à une forme de courbe ressemblant à celle d’une pomme de terre. Sauf que là… on ne peut même plus faire ça, car on a récemment appris que ce serait blessant pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’identification genrée « d’une » patate. Ouf.

Je fais bien sûr référence à cette décision de la multinationale Hasbro qui, fin février, annonçait l’abandon et le repositionnement des célèbres M. et Mme Patate, car ils ne voulaient plus brimer les droits et/ou froisser ceux qui ne se reconnaissent pas dans un genre. Dois-je rappeler qu’on parle d’un jouet en plastique qui représente… un légume !?

La pointe de l’iceberg

Cette histoire de « patate genrée » date de quelques semaines, mais j’avoue être encore dépassé par ce mouvement, souvent sans demi-mesure qui, au lieu de viser un équilibre et le respect des différences, tire la majorité vers le bas. Vous pensez que c’est un cas isolé sans raison de se questionner ?

Le mois dernier, plusieurs médias internationaux dont CTV rapportaient que la direction de certains hôpitaux du Royaume-Uni avait interdit aux sages-femmes d’utiliser les termes « lait maternel », « mère », « père », ou encore « unité de maternité ». Maintenant, elles sont tenues d’utiliser les termes « lait humain », « parents ou personnes », et « unité prénatale » – tout cela pour ne pas être perçu comme « transphobe » et pour respecter le droit des personnes « non binaires ». On est rendu là. Moi qui pensais que l’égalité était basée sur le simple fait d’être un humain, il faut croire que je me trompais.

Loin des yeux, loin du cœur ?

J’ai essayé de relativiser en me disant que le Royaume-Uni était loin, et que M. Patate était une affaire anodine et isolée d’Américains, mais quand j’ai appris que la Cour supérieure, ici, suite à une plainte, avait ordonné au gouvernement québécois de changer des articles de loi jugés discriminatoires envers notamment les individus non binaires… je me suis dit qu’on avait raté là une belle occasion de plus largement discuter, et de s’éduquer.

Lorsqu’un juge et, conséquemment, une armée de fonctionnaires payés à même nos taxes dépensent temps et argent pour adresser les doléances de « personnes » qui ne veulent pas (entre autres) être identifiées comme « père » ou « mère », je questionne l’esprit de la démarche.

Gestion des priorités ?

Ça m’a amené à me questionner à savoir s’il n’y avait pas des priorités, plus urgentes et latentes, sur lesquelles les ressources juridiques (et étatiques) auraient pu (dû) être appelées à se concentrer.

L’obésité infantile, l’ultra-transformation alimentaire, l’industrie du sucre, les boissons énergisantes dans les mains de nos enfants, ça ne vous tentait pas de réglementer ça ? La légifération de l’internet, des réseaux sociaux et la lutte envers la cyberintimidation… trop compliquée ?

Saviez-vous qu’un des plus grands producteurs de pornographie a son siège social à Montréal, et agit comme courroie de transmission (voir de promoteur) de la pornographie juvénile, de la violence faite aux femmes et de la culture du viol ? Parlant de viol, saviez-vous qu’un des jeux vidéo les plus populaires depuis des années chez nos enfants et adolescents accorde des points lorsque leurs personnages tuent violemment des gens, et commet des viols sur des femmes et des hommes ? Je ne banalise pas la question des genres identitaires, mais aussi importante soit-elle, elle est relativement pale à comparer du mammouth d’enjeux sociaux sur lequel le système de justice pourrait se pencher.

La rectitude et l’opportunisme de céder à la facilité ainsi qu’à la saveur du moment empoisonnent la raison. Le syndrome Patatoïde et ses dérives alimentent le cynisme, et privilégient l’intolérance des différences au détriment de la discussion. Il laisse dans l’angle mort de réels enjeux éminemment plus dévastateurs pour la collectivité.

Ma mère m’a toujours appris à respecter l’humain avec ses couleurs et ses particularités. Elle m’a enseigné à l’apprécier pour ce qu’il est – ça inclut ce qu’il croit être et comment il choisit de se définir. C’est une question de jugement et de valeurs, pas de loi.

jctremblayinc@gmail.com

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