Malade mental

Par daniel-calve

C’est l’expression québécoise consacrée, utilisée à outrance, et à plusieurs sauces. Elle peut servir à décrire une expérience des plus agréables, illustrer un état de stupéfaction face une situation, ou encore dénoncer un comportement déviant. Et pourtant… elle comme bien d’autres, même prononcée avec légèreté, contribue à banaliser un état sérieux de vulnérabilité mentale.

La ligne est très mince entre l’équilibre et la folie, même passagère. « J’ai l’impression que je deviens fou », il me semble m’être dit ça quelques fois, et ce, le plus sérieusement du monde, m’accrochant tant bien que mal à la vie, tel un funambule à son bâton. Justement, j’ai longtemps eu l’image que nous marchions tous sur un fil de fer, pressés de traverser de l’autre côté, concentrés à ne pas basculer du côté sombre. Le concept de folie, c’est le philosophe grec Pythagore qui cinq siècles avant J. -C., a été le premier à l’aborder plus scientifiquement, en affirmant que le cerveau était à la base des maladies mentales, et non le Bon Dieu – alléluia !

Épuisement… professionnel

Elle s’appelle Lorianne (nom fictif), c’est une amie et elle vient de m’apprendre qu’elle n’en peut plus : son médecin l’a arrêté quatre semaines du boulot pour cause d’épuisement. Ce que l’histoire ne dit pas, c’est qu’avant de finalement craquer, elle a subi de l’abus de pouvoir d’un patron tortionnaire, pendant des années. Cinq mille à pied ça use peut-être les souliers, mais un mauvais gestionnaire, ça peut te casser une santé ! Les cas comme celui de mon amie sont tristement (encore) légion. Dans le milieu du travail, c’est maintenant nommé, mais l’environnement est paradoxalement de plus en plus exigeant envers ses employés, malgré des politiques anti-harcèlement sophistiquées.

Le fourre-tout de plusieurs médecins aujourd’hui, quoique légitime, se nomme « troubles d’adaptation », et le discours de certains tourne parfois ainsi : « Voici ma prescription ; quatre semaines d’arrêt de travail, prenez ces pilules, et revenez me voir ». L’employé étire souvent (malgré lui) son absence, et lorsqu’il revient, il n’a pas réglé le problème de fond et rechute régulièrement. J’ai peine à croire qu’encore aujourd’hui, une simple fracture de cheville est mieux perçue au travail et souvent plus rigoureusement suivi dans le système de santé qu’une dépression bien sonnée. À la décharge des intervenants et employeurs, il faut tout de même constater qu’un os cassé, c’est beaucoup plus facile à assimiler qu’un phénomène éminemment complexe qui se passe dans le cerveau.

Cette saloperie de sentiment de ne pas être adéquat, de se sentir isolé, voire même de trop dans son propre cercle social, c’est plus fréquent que l’on pense. Selon plusieurs sources, près de 50 % des personnes vivant avec la dépression et l’anxiété ne demandent pas d’aide, de peur d’être jugés par leurs proches. On est en 2020 – voyez-vous le problème ?

De grâce, soyez à l’affût de votre entourage et questionnez avec compassion lorsque vous soupçonnez que ça ne va pas. Et si vous-même avez le sentiment d’être à l’étroit dans votre être, ou que vous sentez votre âme sombre, levez la main, prenez le téléphone, la souris ou le moyen que vous voulez, mais communiquez. Vous n’êtes pas votre condition, vous n’êtes qu’un splendide être humain vivant un moment de vulnérabilité, et vous devez le vivre sans aucune culpabilité.

cause.bell.ca/fr/aide-et-ressources

Aide médicale à mourir : recul rassurant

Vous aurez compris que le spectre des troubles mentaux est large, et que même si je me permets un lien avec l’actualité de cette semaine, ce projet de loi n’a strictement rien à voir avec un trouble d’adaptation ou un malaise passager. C’est donc dans un registre connexe, mais résolument différent que la ministre McCann a annoncé le report du projet d’aide médicale à mourir pour le volet des personnes souffrant de maladies mentales. Elle a dit vouloir permettre un temps de réflexion et favoriser une discussion « transpartisane. » Je ne peux que saluer la ministre, et exprimer tout mon soulagement face à cette décision de réfléchir davantage avant de statuer.

JEAN-CLAUDE TREMBLAY
jctremblayinc@gmail.com

1 commentaire

  1. Effectivement, la vie n’est pas toujours linéaire et parfois les obstacles et défis proviennent de nos environnements. Bien des mots sociaux sont utilisés, mais qui ne donne pas sens à la réalité vécue par la personne. Dans notre région, l’isolement des jeunes et moins jeunes est le déterminant qui apporte son lot de( détresse psychologique ,dépendances, ect ). La santé c’est une responsabilité partagée entre les intervenants qui détiennent les leviers nécessaires pour agir. Toutefois, il faut la collaboration du patient et sa mobilisation afin d’atteindre un degré satisfaisant de santé.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *