Qui se tait, convient du fait

Par Jean-Claude Tremblay

J’ai peine à croire qu’on parle encore (autant) de ça, la violence faite aux femmes, en 2021, surtout après tous les drames que l’on a vécus collectivement depuis le début de cette pandémie. Pourtant, on est rendu à sept féminicides en sept semaines, une statistique aussi troublante que déprimante, une qui marque l’imaginaire et nous ramène douloureusement les deux pieds sur terre.   

Le 29 octobre 2019, j’écrivais une chronique intitulée « Faut qu’on parle », dans laquelle je m’adressais aux hommes, les invitant à se réveiller et à se responsabiliser face à cette vague de violence, contre femmes et enfants. Aujourd’hui, un an et cinq mois après sa parution, c’est avec tristesse que je relis ce texte, toujours d’actualité, et je suis à me demander ; quand allons-nous faire de ce sujet un réel enjeu de société ?

Minuit moins une

Je me réjouis que le gouvernement ait pris position et entamé un certain nombre d’actions. C’est, de toute évidence, la bonne chose à faire. Cependant, j’ai la fâcheuse impression que l’on paie collectivement aujourd’hui pour un problème ignoré depuis plusieurs décennies – pourquoi faut-il toujours attendre de voir apparaître du sang sur notre blanche conscience avant de se rendre à l’évidence ?

Est-ce que ça aura pris la pandémie pour réaliser que le système est brisé, que nos enfants n’étaient pas réellement une priorité, qu’on stationnait nos aînés en rangée sans attention ni air conditionné, et que nos femmes servaient d’amortisseurs de colère à des hommes troublés ? Vivement un questionnement, voire une refonte de nos priorités comme société.   

Revisiter la genèse

Je ne crois pas que l’on choisisse de se lever un matin en prenant la décision éclairée de devenir contrôlant ou violent envers sa conjointe. J’ai plutôt tendance à croire qu’en matière de violence conjugale, le passé est garant de l’avenir. En marge de la récente (et nécessaire) profession de foi de l’État, je suis d’avis qu’il appartient à chacun d’entre nous de prendre des mesures préventives en amont, en éduquant nos enfants et nos adolescents, et en montrant l’exemple. Ça commence à la maison, où il faut se faire un devoir d’en parler ouvertement. Ça se poursuit à l’école, où l’apprentissage des normes sociales et de la bienséance, qui incluent le respect de soi, et conséquemment celui des femmes, aurait intérêt à être enseigné formellement, et en continu.

Par ailleurs, pour les messieurs concernés, si vous traitez votre conjointe comme du bétail, en la contrôlant, en utilisant un langage abusif, en montrant les poings ou en « vargeant » dans le mur, ça se pourrait que votre jeune modélise votre comportement – sachez qu’il n’existe aucun témoin indifférent, et que certaines plaies n’ont pas assez d’une vie pour cicatriser.

Je ne le dirai jamais assez : aimez-vous assez pour aller chercher de l’aide.

Baromètre du respect

En terminant, je considère qu’un des plus importants baromètres du respect des femmes en 2021 réside dans les échanges sur les réseaux sociaux. Conséquemment, soyez vous-mêmes responsables dans vos écrits, et conscients que donner l’accès aux électroniques à vos jeunes vient avec un devoir : celui d’encadrer et d’accompagner. Il existe en ces murs virtuels un monde que la majorité adulte ignore, un où le langage est sans filtres, terreau fertile pour tester les limites de l’indécence, parfois sous le couvert d’un humour dit « générationnel », dont on mesure encore mal les répercussions.

Comme le dit l’expression, la critique est aisée, mais l’art est difficile – Il est facile de s’indigner en public et ne rien faire en privé. La difficulté ne justifiera jamais l’inaction, je nous souhaite de réaliser que l’indifférence personnelle est un choix qui vient avec une douloureuse fracture collective.

SOS violence conjugale au 1 800 363-9010 (ligne sans frais 24/7).

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