Victimes collatérales

Par Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Ça y est, le Québec a passé le triste cap des 3500 décès des suites de cette enseignante planétaire. Bien qu’on ne s’habitue pas à entendre ce funeste palmarès au quotidien, ce dont on parle moins, c’est du nombre de morts techniquement vivants, ceux qui sont psychologiquement, émotivement et économiquement vidés – ceux qui ont un ratio d’endettement de souffrance plus important que la prime indécente du PDG sortant de Bombardier. C’est d’eux dont j’ai envie de parler, car ils sont nombreux, et leur courbe n’est malheureusement pas sur le point de s’aplatir :ils sont en plein milieu d’un océan colérique dont les vagues meurtrières ne cessent de les affaiblir.

Quand les risques dépassent les bénéfices

Il y a de plus en plus de « morts-vivants » et on devra avant longtemps peser le pour et le contre de les maintenir en confinement. On a parlé de nos aînés, ces « barricadés » qui ont travaillé dur toute leur vie pour se faire entasser dans un solarium aux portes barrées, à attendre de voir s’ils vont attraper une cochonnerie qui va les achevés, mais il y a plus. Il y a aussi nos enfants et nos adolescents, eux aussi privés d’échanges et de contacts sociaux essentiels à leur développement, où leurs quartiers généraux, c’est-à-dire les écoles et les parcs, sont devenus de véritables zones radioactives, condamnées à grands coups de rubans municipaux, dans ce monde de délation, devenu ultra-surveillé. Ces mesures viendront avec un prix, un qui s’étalera sur le reste de leur vie.

Notre drôle de monde

On écoute peu ces temps-ci, et tout le monde à une opinion sur tout. On a eu droit à un remake du film Footloose, avec le Dr Arruda dans le rôle de Kevin Bacon, et l’opinion publique (dans le rôle du révérend Moore), qui veut l’interdire de danser. On a aussi eu l’opportunité d’entendre le plus grand dirigeant mondial invoquer l’idée d’injecter aux humains du désinfectant, et appris qu’imprimer impunément de l’argent et contribuer à endetter un pays de plus de 1000 milliards, rehaussait la cote de popularité – je ne comprends plus rien.

Parlant d’opinion, est-ce que c’est juste moi, ou à entendre les propos de certains qui crachent sur les Montréalais, ces « étranges » qui menacent la quiétude régionale, j’ai comme un arrière-goût de l’affaire Hérouxville ? Sans ouvertement les inviter, je crois qu’il a pire que des visiteurs montréalais ou blainvillois qui viennent magasiner dans des zones partiellement déconfinées – il y des commerçants locaux qui sont en train de crever, des faillites que des modifications routières et quelques pancartes ne vont certainement prévenir, si ce n’est que de les accélérer.

Je comprends la peur, mais la peur (comme toute forme d’intolérance) vient de l’ignorance. C’est certain que regarder les chaînes 24/7 et les journaux qui nous pompent de l’anxiété dans le sang directement par intraveineuse, ça finit par rentrer, et c’est un puissant promoteur de raccourcis intellectuels (autant que pour les citoyens que les élus). C’est ainsi que l’on précipite ou que l’on retarde anormalement les décisions, sous l’égide fourre-tout de mesures présumément sécuritaires. Le manque de réponses face à la situation et le fait de voler aux instruments n’excusent pas le manque de réflexion, de consultation et de jugement.

Le temps de lâcher du lest ?

Quelles sont les conséquences sociales de ne pas pouvoir se voir en chair et en santé, de façon sécuritaire et respectant les six pieds, pour vivre des expériences collectives qui vont servir à nourrir notre âme fragilisée ? On fait tout notre possible, et avons probablement pris les bonnes décisions jusqu’à maintenant sur le plan de la santé publique, mais je crois qu’aujourd’hui, on sous-estime les risques latents de certaines mesures qui privent l’humain de ses besoins fondamentaux.

Ne pas réactiver de manière responsable certaines activités à caractères sociales et économiques dédouane, voire favorise les groupes d’illuminés qui manifestent tous collés, au nom de leurs individuelles libertés et au détriment de la collectivité.

Il y a plusieurs façons de mourir – prenons un moment de silence pour ceux qui nous ont quittés, mais de grâce, posons des gestes concrets pour ceux que l’on peut encore sauver.    

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