Le cadeau de la littératie financière
Par Journal Accès
Chronique d’un X
Jean-Claude Tremblay
À cinq ans, je répondais au téléphone et je faisais visiter les chambres aux clients du Motel Raymond, à Sainte-Agathe. C’était normal pour mes parents de m’impliquer, eux qui trimaient dur dans la gestion de cet établissement. À huit ans, je travaillais pour mon père – je faisais la collecte des loyers en plus d’effectuer l’entretien ménager. À 10 ans, j’avais ma route de gazon et, à 12 ans, je démarrais mon entreprise de disco-mobile avec un ami, où je faisais danser tant les convives de soirées privées que les élèves d’écoles laurentiennes jadis fréquentées.
Ma mère, une femme de son époque, cuisinière invétérée, travaillante acharnée, me montre les rudiments de la vie et m’enseigne les valeurs à la dure. Il faut dire que je suis le petit garçon, euh je veux dire, l’homme de la maison. Je pellette l’entrée, j’apprends à cuisiner, à maîtriser la pédale de la Sears, célèbre machine à coudre bleue poudrée. Voilà qu’aujourd’hui, les temps ont changé. Rares sont ceux qui savent repasser, plusieurs se demandent bien d’où viendra le prochain chèque pour le loyer, et pourquoi les achats sur leur carte de crédit ne peuvent plus passer.
La religion a migré vers la spiritualité, pourtant, les mœurs face à l’argent n’ont guère évolué. Ceux qui ont retenu que l’argent est la racine de tous les maux ont mal lu la sainte Bible. Elle dit plutôt que « …l’amour de l’argent » est la racine de tous les maux – il y a du vrai là-dedans.
Au fond, l’argent n’a pas d’odeur, il n’a pas de couleur ni de saveur et il ne fait pas le bonheur. Il est par contre un élément aussi essentiel que l’air que l’on respire, si l’on veut simplement vivre dans le présent système économique.
L’Ontario a allumé : elle offre déjà des cours de littératie financière dès la 4e année. Nous? Eh bien nous, nous y songeons sérieusement, ça s’en vient, mais juste au secondaire, tranquillement, pas vite. Pas surprenant que ce ne soit pas une priorité, lorsque l’on sait qu’il y a 68 % moins de nouvelles économiques ici qu’en Ontario. L’alarmant constat rapporté par RDI Économie fait foi de l’importance, ou plutôt de la négligence face au fait économique pourtant si fondamental.
Inspiré par la phrase d’un célèbre discours du 20 janvier 1961, je vous dirais : « Ne vous demandez pas ce que l’éducation peut faire pour vos enfants, mais demandez ce que VOUS pouvez faire pour l’éducation de vos enfants ». Ça commence par l’exemple que l’on donne chaque jour lorsqu’on fait l’épicerie, ou un tour au magasin du dollar pour acheter des « cossins » dont on n’a point besoin.
Mes enfants ont vécu l’expérience de la Grande journée des petits entrepreneurs, qui a eu lieu samedi dernier à la grandeur du Québec.
L’espace d’une journée, tous les jeunes de 5 à 12 ans inscrits ont pu expérimenter l’entrepreneuriat. Après quelques semaines à préparer leur entreprise d’un jour, les artistes entrepreneurs ont vécu les rudiments du métier, où la réalité les a rattrapés. Ils ont dû gérer leur inventaire, leur caisse, travailler leur positionnement de produits, négocier avec la clientèle et écouler leurs denrées si vaillamment fabriquées!
La pluie, la marchandise mouillée, les clients qui tardent à se pointer, et leurs profits qui fondent comme de la crème glacée par une journée ensoleillée… C’est aussi ça, la vie. Les imprévus, tout comme les échecs, font partie intégrante de la joute.
À mon sens, les cours de cuisine, d’entrepreneuriat et de littératie financière ne devraient jamais être bien loin de la lecture, de l’écriture et de l’éducation physique dans le cursus de base – c’est fondamental et on n’est jamais trop jeune pour l’apprentissage qui touche les besoins primaires.
Se nourrir le corps et l’esprit, prendre soin de sa santé tant émotive, physique que financière, c’est vital. Autrement dit, leur donner du poisson est honorable, mais leur apprendre à fabriquer une canne à pêche, et leur enseigner où, quand et comment s’en servir efficacement, c’est le cadeau d’une vie meilleure.
En cette fin des classes, je profite de ma tribune pour féliciter tout le personnel des écoles qui, jour après jour, se pointe au boulot pour faire une différence dans la vie de nos jeunes – merci pour ce que vous faites. Joignez-vous à moi pour féliciter nos écoliers, ces filles et ces garçons qui se présentent malgré les difficultés et les matins pas toujours ensoleillés. Bravo à vous tous, vous êtes magnifiques et nous sommes fiers de vous! Bon été et amusez-vous!
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