Charité obligée
Par Journal Accès
Chronique d’un X
Jean-Claude Tremblay – Mari, père et fils. X de génération, homme d’affaires de profession. Rebelle sensible et constructif, ardent dénonciateur d’injustices. Protecteur des miens, éternel Laurentien.
En quelques années comme bénévole, j’ai eu l’opportunité de côtoyer l’espoir de la misère, et son envers. Des aînés en perte d’autonomie, des femmes craintives, des familles à la rue, des enfants vulnérables, et j’en passe. Ce n’est pas ce qui manque, la détresse, dans le buffet continental toujours bien garni de notre pourtant sociale démocratie.
J’éprouve beaucoup d’amertume, comme nombre d’entre vous sûrement, depuis l’affaire de l’école Capitaine-Luc-Fortin, qui a éclaté en mars dernier. Rappelons-nous qu’une inspectrice de la Commission de la Construction du Québec avait débarqué et arrêté les travaux de peinture en cours dans cet établissement d’enseignement primaire, en Montérégie. Cette fonctionnaire voulait mettre à l’amende les parents et grands-parents bénévoles, car ils n’avaient pas leurs cartes de compétence, obligatoires, même pour donner un seul coup de pinceau d’espoir, sur des murs qui en avaient grand besoin. Le dossier aurait pu être transmis au Directeur des poursuites criminelles, n’eut été l’intervention gouvernementale, réagissant ainsi au tollé qu’a provoqué ce vaudeville, que dis-je, cette tragédie humaniste.
« La FTQ-Construction dit non aux travaux bénévoles dans les écoles », titrait plus récemment La Presse. Sans surprise, certains plaident déjà pour le maintien du statu quo de la loi, et trouvent normal qu’une école abritant nos jeunes reste en décrépitude, ou paie 100 000 $, plutôt qu’avoir recours aux familles bénévoles. Dans la vie comme dans ce dossier, le statu quo n’existe point : soit on progresse, soit on régresse.
Maintenant qu’on est juste entre nous, il faut que je vous avoue quelque chose : j’ai (peut-être) déjà fait des travaux pour des CPE du coin, posé quelques gestes à saveur éducative pour des écoles de quartier, et prodigué des soins sans diplôme médical à des hospitalisés. Et tant qu’à être dans l’autodénonciation… j’ai (peut-être) aussi moi-même peinturé des murs d’institutions publiques, donné des dictées à des enfants sans permis du ministère, et (peut-être) aussi cuisiné sans cartes de compétence pour des aînés affamés. Mea culpa.
Certains diront que c’est un cercle vicieux, que le bénévolat permet aux différentes institutions de se déresponsabiliser, qu’au fond, le système abuse de cette générosité citoyenne. Tristement, cet argument a du vrai. Une partie de moi ne peut s’empêcher de dénoncer ce travers évident, symptôme d’un système archaïque composé de groupes qui, une fois de plus, donne priorité aux intérêts personnels plutôt que collectifs.
Mais comme il y a toujours une autre facette à la médaille, et que j’aurai toujours une préférence pour les verres à moitié pleins, je dirais que le bénévolat c’est un service essentiel, nonobstant ses contraintes. Qui plus est, le bénévolat, au-delà de ses bienfaits évidents et concrets, favorise aussi un sentiment que l’on néglige trop souvent d’aborder : la compassion collective. Faire don de son temps, pour ne pas dire de soi, est un de ces actes à la fois altruistes et égocentriques : en aidant les autres, on s’aide aussi et la combinaison des deux est la valorisation du genre humain.
Saviez-vous qu’un nombre impressionnant d’enfants dans nos Laurentides ne mangeraient pas de la journée… si ce n’était du bénévolat? Croyez-le ou non, en 2017, plusieurs petits loups se présentent encore à l’école le ventre vide. Des repas sont préparés et livrés quotidiennement dans nos écoles, et tout ce beau monde travaille d’arrache-pied pour maintenir la cadence.
Saviez-vous que le bénévolat permet à plusieurs de nos aînés de quitter cette terre en toute dignité? De l’accompagnement aux rendez-vous médicaux jusqu’aux visites pour briser la solitude, les bénévoles sont au cœur de notre population vulnérable. Certains guident même nos semblables jusqu’à leur dernier souffle, afin qu’ils ne meurent pas seuls – de la haute voltige humanitaire.
Je ne parle même pas de toutes les autres sphères de notre société qui crient à l’aide au quotidien, et qui trouvent, fort heureusement, un bon samaritain.
Sur le terrain, je suis toujours bouleversé de constater l’ampleur du chantier. Aux premières loges d’un écosystème névralgique pour la collectivité, je constate que sans ce dernier, la société pourrait facilement s’effondrer. Ici, la charité bien ordonnée est tout simplement obligée. Prenons un moment pour remercier tous ceux et celles qui, à tous les niveaux, contribuent sans relâche à l’émancipation de la condition humaine. Travaillons à améliorer le système, mais honorons ce qui fonctionne : ne tuons pas la « bonté » du monde, célébrons-la.
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