Chercher le vent
Par Journal Accès
Chronique
Par DANIEL GIGUÈRE
C’est vrai qu’il a fait beau et chaud tout l’été, et qu’on n’a pas bronzé idiot, enfin je parle pour moi évidemment parce que vous, je ne sais pas trop. On se connaît à peine, alors…
N’empêche que le fond de l’air était frais, il me semble. Comme une légère brise qui soufflait au ras du sol. Celle de l’intolérance crasse et sournoise, alimentée par la médisance dont nos chers politiciens provinciaux sont, pour la plupart, devenus les maîtres absolus. Il fallait les voir entre deux barbecues et un selfie nous parler du burkini pour nous dire : « qu’on a dont raison de penser que ce n’est pas dans les valeurs québécoises, ces affaires-là, pis qu’y devraient s’en retourner chez eux… »
Ces politiciens, faut-il le rappeler, ne défendent pas des principes, et encore moins des convictions. Ils alimentent nos préjugés en se faisant les porte-voix du « monde ordinaire », comme s’il n’y avait pas une once de mépris dans cette expression.
Le populisme, c’est l’art de vous dire ce que vous voulez entendre, quitte à déformer les faits, parce qu’au final, tout ce qui compte, c’est votre vote. Ces spécialistes de la politique partisane, incubateur de l’extrême droite, fouillent dans les poubelles de la mauvaise conscience pour nous convaincre qu’on a raison de penser toutes ces choses qu’on n’ose pas dire et qui, justement, devraient rester là où elles sont. Des lieux communs, des histoires inventées ou déformées, relayées le plus souvent par les médias sociaux à partir d’articles de journaux que personne n’a pris le temps de lire.
Ce qui est pathétique dans tout ça, c’est que les démagogues défendent une position sur laquelle ils n’avaient, la veille encore, aucune opinion. On imagine bien François Legault, par exemple, en train de consulter la météo le matin avec son directeur des communications. Pas la météo nous disant le temps qu’il fera. Plutôt celle du vent. De quel côté souffle-t-il ce matin?
« Du côté de la petite intolérance mesquine, monsieur le politicien. »
« Ah bon? Et j’ai une opinion là-dessus? »
« Pas encore, mais donnez-moi une heure ou deux, et vous en aurez une. »
Et les voilà prêts pour une autre belle journée.
De l’autre côté du spectre idéologique, c’est tout le contraire, mais certainement pas moins pire. Comme ces défenseurs de la rigueur budgétaire, qui vous coupent le budget en éducation comme on tranche un morceau de bacon, parce qu’il y a forcément toujours trop de gras. Faut voir la condescendance de ces politiciens, sans doute investis d’une connaissance divine. Le doute? Ils ne connaissent pas. « On va aller parler aux gens et leur expliquer pourquoi c’est bon pour le Québec. Ils vont comprendre. »
Comme le rappelle si bien Louis Cornellier, dans Le Devoir : « C’est pour éviter notre faillite collective sous le poids de la dette publique que le gouvernement libéral de Philippe Couillard se livre à une déprimante politique d’austérité, avec l’assentiment d’une bonne partie de la population. Sommes-nous vraiment condamnés à ce chemin de croix budgétaire perpétuel sur lequel on nous raconte que ce qui nous blesse est ce qui nous sauve? »
Ce mépris de l’intelligence me fait hurler, je l’avoue. Comme s’ils étaient les détenteurs d’une vérité absolue. Ne dites pas à ces politiciens que vous n’êtes pas d’accord avec eux, ils vous diront le plus sérieusement du monde que c’est juste parce que vous ne comprenez pas. Eux savent, pas vous. « Votez pour nous, et rentrez chez vous, on s’occupe du reste. »
Avec les démagogues sans scrupule d’un côté, et les détenteurs de la vérité absolue de l’autre, on se croirait revenus aux années trente ou quarante, du temps du nationalisme obtus, raciste même, et du clergé en soutane, détenteur de la foi, donc de la vérité.
Fabien Deglise, toujours aussi pertinent dans sa chronique parue également dans Le Devoir, nous dit combien il nous faut être vigilants face à ces extrêmes, car d’un côté comme de l’autre, on nous prend pour des imbéciles.
« Partout, les esprits critiques — les vrais, pas ceux qui confondent la critique avec la démagogie et qui croient qu’il est préférable « d’avoir de la mauvaise information plutôt que pas d’information pantoute » —, les voix lucides, les regards éclairés devraient se lever, s’unir et surtout se mettre à parler fort pour montrer du doigt tous ces points de convergence avec une histoire déjà écrite, dans laquelle il serait dommage de retomber. »
Des esprits critiques, il y en a encore beaucoup. Reste à savoir s’ils peuvent être entendus.