La Maison Jean Lapointe et sa peur maladive
Par pierre-schneider
Depuis déjà quelques décennies, les maisons de thérapie pour alcooliques, toxicomanes et autres dépendants se sont multipliées aux
quatre coins du Québec et l’une des pionnières dans ce domaine est sans contredit celle du sympathique comédien Jean Lapointe, qui a
pignon sur rue dans le Vieux-Montréal. -Par Pierre Schneider
Comme dans plusieurs de ces établissements, dont le gouvernement exige maintenant une certification pour opérer et prodiguer des soins aux dépendants, c’est la méthode des Alcooliques Anonymes qui est utilisée parce qu’elle a fait ses preuves depuis sa fondation aux Etats-Unis il y a plus de 75 ans.
Cette méthode, dont je connais plusieurs adeptes, est essentiellement basée sur la tolérance et l’ouverture d’esprit. On y partage l’idée que tout alcoolique doit avoir entièrement la liberté de choisir s’il désire ou non arrêter de consommer le produit toxicologique qui détruit sa vie et celle de son entourage.
Ces jours derniers, la Maison Jean Lapointe a malheureusement fait les manchettes dans le domaine juridique alors que sa direction réussissait, à la suite de procédures auprès de la Régie des alcools et des jeux (RACJ,) à obtenir que le restaurant L’Atelier d’Argentine, un établissement huppé, ne puisse plus servir de vins à sa terrasse du grand immeuble historique qu’il partage avec le centre de rétablissement.
La raison invoquée a de quoi faire sursauter plus d’un citoyen, en particulier de nombreux membres des AA. Jean Lapointe invoque dans son argumentation que la seule vue des bouteilles de vin pourrait être néfaste pour ses
résidants et ruiner leurs efforts.
Les appartements où logent les clients sont en effet situés au-dessus du restaurant maudit qui se spécialise dans la gastronomie. Incroyable, mais vrai: au cours d’une audience de la RAJC, le faraud directeur de la Maison,
Rodrigue Paré a argué que la porte d’entrée de sa maison se trouve à côté de la terrasse et que les membres rétablis de AA qui s’y rendent pour des réunions verraient leur sobriété mise en danger par ce verre de rouge-que-je-ne saurais-voir! Même s’il ne pouvait contenir que du jus de raisin…
L’étonnant et rigide directeur de l’abstinence insiste même sur le fait que la présence de cette terrasse est susceptible de causer des préjudices sérieux à ses pensionnaires.
Et un «témoin expert » convoqué par la demanderesse a soutenu que les patients doivent être protégés des stimuli associés à la consommation et que le simple fait de savoir qu’il y a la substance interdite à deux pas peut leur créer des perturbations!
Cachez donc ce sein que je ne saurais voir, version 2013.
Le restaurateur eut beau tenter de faire moult accommodements raisonnables (réduire son espace terrasse, mettre des parasols pour cacher ses clients et leur repas arrosés, bannir la musique), rien n’y fit.
Jean Lapointe et ses associés, imbibés de leur peur maladive de rechute, sont demeurés inflexibles. Pour l’alcoolique en thérapie ainsi que pour les AA qui fréquentent son centre, pas question de voir, de humer ou même d’imaginer un verre! S’il faut en croire leur raisonnement, à chaque fois qu’un alcoolique rétabli traverse les rues remplies de bars et de terrasses du Vieux-Montréal, il devrait fermer les yeux et se boucher le nez pour échapper aux effluves défendus.
Mes amis alcooliques rétablis depuis de nombreuses années n’en reviennent pas de cette étroitesse d’esprit. Ils se sentent avec raison associés à cette attitude infantilisante dont les tenants se servent des Alcooliques Anonymes pour arriver à leurs fins.
Autant j’ai admiré le comédien, autant je pense que si le ridicule tuait, l’ancien sénateur libéral Jean Lapointe et ses comparses seraient morts depuis belle lurette.