Laïcité et politicaillerie

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X par Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Cher Monsieur. Il y a longtemps que j’ai arrêté de suivre activement la politique. L’idée était de préserver mon équilibre mental, constamment menacé à force d’entendre des obscénités, et de constater des absurdités. J’avais alors conclu que le cynisme était malsain, et plutôt que de succomber à sa tentation, j’allais simplement m’en éloigner.
La raison pour laquelle je décide de briser mon mutisme aujourd’hui, fait suite à vos déclarations concernant cette future policière qui tient à porter le hijab, dans une fonction représentante d’État, que vous-même aviez jadis déclaré laïque.
Sur ce, vous avez dit : « Je peux pas croire qu’on veut briser les rêves de cette jeune femme… en questionnant son droit de porter un hijab dans la police… », tentant ainsi de manipuler lâchement l’opinion publique. Monsieur, c’est une des déclarations les plus démagogiques que j’ai entendues depuis longtemps, et il n’en fallait pas plus pour que je fouille le dossier, afin de comprendre si votre folie était simplement mal citée.
Eh bien non, vous étiez non seulement bien cité, mais en plus, vous avez ajouté une couche en jetant un autre pavé dans la marre de déresponsabilisation : « …à chaque corps policier de décider s’il autorise ses agents à porter des signes religieux… ». Êtes-vous bien certain de siéger au Québec, car j’ai l’impression d’avoir entendu la même déclaration émanent du 24, promenade Sussex, il n’y a pas si longtemps.
Je suis outré par votre manque de leadership et votre attitude poltronne qui appellent une guerre fratricide. Ne savez-vous pas que vous avez une obligation de trancher en toute objectivité ? Votre comportement est une honte, non seulement à notre nation, mais à votre fonction. Non pas parce que je suis en accord ou en désaccord avec vos idées, mais parce que vous tentez de nous manipuler, comme si nous, les citoyens, étions de vulgaires crétins.
Ce n’était pas suffisant de nous imposer une austérité pendant des années, épuisant ainsi le personnel de la santé, enseignants et autres employés dédiés? Et les listes d’attente non réglées, les blessés non soignés au nom de la frugalité, vous y avez pensé? Tout ce cirque de coupures pour qu’en période d’élection, vous dépensiez à des fins partisanes toutes les économies réalisées – c’est à grands coups de pied légaux que l’on devrait vous chasser.
Pour revenir à la laïcité, comprenez-moi bien, je vous ai appuyé sur le projet de loi 62, qui avait pour objet d’établir des mesures pour favoriser le respect de la neutralité religieuse de l’État. Mais le fait est que, depuis le rapport Bouchard-Taylor, commandé par votre parti politique il y a dix ans, vous n’avez absolument rien fait et avez laissé la situation se détériorer. Pourtant, la recommandation était objective et articulée : aucun signe religieux ostentatoire chez les employés de l’État en position d’autorité. Ça ne brimait personne, et ça assurait ainsi, au minimum, une vitale apparence d’impartialité.
Vous n’avez pourtant jamais hésité à jeter le bébé avec l’eau bénite du bain, dans lequel la majorité s’est un jour baignée. Vous l’avez fait du revers de la main, et maintenant, les enfants connaissent toutes les religions, mais ne savent pas qui est le frère André, ni pourquoi il y a une croix sur leur « sainte » école. Vous avez divisé au lieu de rassembler et d’éduquer : à votre tâche, vous avez grandement échoué.
Il restera toujours un groupuscule d’ignorants, mais sachez que pour moi, ainsi que pour la majorité de mes compatriotes, tous les humains sont de notre race. Qu’elle s’appelle Nabila ou Claudette ou qu’il s’appelle Mohamed ou Sébastien, les valeurs qui nous unissent sont bien au-delà de toute confession : elles sont basées surle respect de soi et de l’autre, et sur l’égalité homme-femme, dans un Québec multiethnique ouvert sur le monde, qui ne se définira plus jamais par des croyances religieuses.
Savez-vous ce qui menace la paix et la culture des peuples partout sur la planète? C’est l’absence de contrat social qui suscite une adhésion claire de tous ceux et celles qui veulent bien partager le territoire et ses valeurs communes. Qu’ils soient « de souche » ou nouvellement arrivés n’a strictement plus d’importance dans un monde où les frontières n’existent plus que sur une carte.
Que votre étiquette soit verte, rouge, bleue ou noire, je n’en ai respectueusement rien à cirer. Je vais en revanche humblement vous rappeler que le mandat que l’on vous a confié vient avec des devoirs, et aussi avec des responsabilités. Nous voulons quelqu’un qui respecte et protège les droits des minorités, mais jamais au prix de sacrifier la neutralité de la majorité – est-ce trop vous demander?

1 commentaire

  1. Super article mon cher Jean-Claude. J’ai écrit cette semaine sur Facebook « On devrait se poser la question, que signifie le mot UNIFORME «  Tes textes sont toujours intéressants et judicieux. Bravo

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