Né pour un p’tit bain
Par Journal Accès
La chronique
À mimi
Le ministre de la Santé, Dr Gaétan Barrette, a annoncé avec fierté que dorénavant les CHSLD devront obligatoirement offrir un deuxième bain à leurs résidents qui le désirent.
Des fois, ça sent la coupe. Des fois, ça sent les élections; le deuxième étant davantage nauséabond. Quand même, un deuxième bain. Yé. J’ai pensé à ma belle Éva qui, lorsqu’elle reçoit ses bains (oui, ses bains au pluriel) à la résidence où elle vit désormais, s’endort comme un poupon. Lavée, poudrée, crémée, chouchoutée. Les bains qu’elle reçoit sont d’ordre privé. Il n’était pas question d’attendre un moment électoral; cela aurait été comme attendre qu’une chatte ait des chiots… C’est le même Dr Barrette qui a affirmé qu’un lavage à la débarbouillette suffisait dans les CHSLD. Il ne voulait pas se mouiller… Avec les élections qui s’en viennent, il voudra sûrement prendre plusieurs fois par semaine quelques bains… de foule. Ce qu’il ne comprend pas, c’est le principe même du respect et du bien-être. Depuis que je m’occupe de cette dame atteinte de troubles cognitifs importants, la vue de tous ces gens semi-autonomes vient m’ébranler profondément. Le dos courbé, ils défilent tranquillement avec leur marchette pour la plupart.
Certains me sourient, d’autres vivent dans leur petit monde. Pour vous donner une idée de ce que c’est que d’être vieux, j’ai trouvé des moyens. D’abord, mettez des cotons-tiges dans vos oreilles pour moins bien entendre. Puis, entourez vos phalanges de sparadrap pour l’arthrite, puis tentez de téléphoner, d’écrire, de couper adéquatement vos légumes. Déposez des petits pois congelés dans vos souliers pour vous déplacer.
Ça, c’est pour le physique. Maintenant, côté émotion, notez cinq personnes que vous aimez le plus, puis trois possessions auxquelles vous tenez (maison, auto, chalet par exemple) et finalement, trois droits qui vous paraissent fondamentaux (conduire une auto, voyager). À partir de ça, essayez d’imaginer que toutes ces choses disparaissent tranquillement mais sûrement de votre vie… Comme du sable fin entre les doigts.
La vieillesse comme un ouragan frappe tout un chacun. Pas de discrimination cette fois. Vieillir, c’est renoncer. Reconnaître que l’on n’est plus utile.
C’est drôle la vie. Jeunes, nous attendons impatiemment la fin du primaire, la fin du secondaire, du cégep.
On a hâte à la fin de semaine pour le chèque, fin des neuf mois pour devenir parents, fin mars pour partir enfin en vacances. Rendus à 80 ans, nous avons l’audace de dire à nos petits-enfants : comme je voudrais avoir ton âge… Vieillir, c’est faire de la recherche : on cherche ses pantoufles, ses lunettes, ses dents…
Vieillir, c’est parfois avoir de la difficulté à joindre les deux bouts, surtout le bout des pieds. Pour me faire rire un jour, ma grand-mère m’avait dit : « Quand j’étais jeune, j’avais un visage lisse et une jupe plissée. Maintenant, c’est le contraire ».
Le pire qu’il peut arriver pour une personne âgée et malade, c’est d’être placée. J’haiiiiiis cette expression pour m’en confesser. Parce que je les vois ces gens dépendants des autres, j’observe leurs visages lacérés de tristesse. Ils ne servent plus à rien, c’est ce sentiment d’inutilité qui les ronge jusqu’à la moelle.
J’échangeais dernièrement avec un homme âgé de 85 ans. Il me disait que depuis qu’il était octogénaire, tout l’monde voulait porter ses valises ou l’aider à descendre un escalier. Ce qui, à 75 ans, ne se produisait pas. Et si, me disait-il, je fais des bêtises, on dit que je suis retombé en enfance, on guette un ramollissement de mon cerveau. Mais comme ce n’est pas mon cas, on me félicite de mes jeux de mots et de ma mémoire. On me passe tout! Alors moi, je dis que la vie commence à 80 ans.
C’est une façon de voir les choses papy… C’est tout à votre honneur. Parce que généralement, les gens ont davantage de respect pour les antiquités que pour leurs proches. Un jour, grand-père s’est penché sur son passé, il n’y avait pas de garde-fou, il est tombé… dans l’oubli.
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