Nos vieux
Par Rédaction
mimilego@cgocable.ca
Comme quelqu’un a déjà dit : un chum c’t’un chum, moi je dis un vieux c’t’un vieux. On peut bien tenter de leur donner d’autres noms comme les sages, les aînés, le bel âge. Reste que les faits eux ne changent pas. Ça fait presque trois mois que l’on nous serine dans les médias que la COVID a une petite attirance pour les vieux, ces écartés de la vie, qui pourrissent dans les CHSLD. On devrait remercier cette bibitte-là pour avoir levé le voile sur la vie sordide que nos vieux subissaient. Remarquez que je dis le mot vieux avec énormément d’affection.
On va parler des vraies affaires. Si on n’a pas soulevé le couvercle du panier de crabes que sont les résidences pour les soins de longue durée, c’est que les vieux ce n’était pas payant. Politiquement, s’entend. Mais maintenant, qu’ils nous meurent en pleine face, c’est gênant de regarder ailleurs en sifflant et en faisant semblant de ne pas les entendre gémir et pleurer dans leur odeur de latrines. Il y a une chose qui me chatouille très énormément comme disait le défunt clown Sol : c’est le manque de visiteurs pour certains parents. Et je sais de quoi je parle. Je prends soin avec deux de mes amis d’une personne atteinte d’Alzheimer. L’endroit est bien tenu, rien à redire. Mais un jour, une préposée m’avait avoué que sur la centaine de résidents, un certain nombre d’entre eux ne recevait jamais de visite. Ai-je dit jamais? Ben oui!
On les a parqués là un jour. Bonjour merci. Puis ils ont pratiqué la distanciation de dizaines de kilomètres… Je me dis que si la situation s’est détériorée à ce point, c’est parce que leurs proches étaient absents. Combien de fois ai-je entendu que ce n’est pas nécessaire de les visiter, ils ne se souviennent plus de rien…Certains proches, devrais-je dire, parce que bien des enfants s’occupent fidèlement de leur père et mère avec un amour inconditionnel.
À 75 ans, grand-maman Marie demeurait très active en choisissant de rester dans la mêlée. Elle détenait une licence pour vendre des permis de chasse et de pêche. Elle avait hérité de grand-père Mathias de quelques logements situés à Montréal dont elle s’occupait seule de leur entretien. Elle réparait en couture tout ce qui touchait à la fourrure : manteaux, chapeaux, étoles. Une clientèle fidèle et satisfaite. L’été, elle prenait soin de son immense jardin et l’intérieur de sa vaste maison ressemblait au Jardin botanique. Je le répète, 75 ans… C’était sans compter qu’elle hébergeait mon cousin et ma cousine à temps plein qu’elle préparait des plats dignes de ceux de Jehane Benoît. Les réunions de famille, on ne les comptait plus. Elle faisait ça en grand sans regarder à la dépense en tâchant de n’oublier personne. Mon sens de l’humour, je le tiens d’elle. Elle n’a jamais été vieille, elle a seulement vécu longtemps.
Alors, j’espère de tout cœur que les nouvelles maisons des aînés que le gouvernement Legault s’apprête à construire sauront comprendre que les vieux ont besoin de se sentir utiles à la société. C’est bien beau les jeux de poche et le bingo, mais il y a plus. Comme coopérer à préparer des repas. Les mamies s’ennuient de ne plus faire leur bonne soupe, les papis aimeraient bien retrouver leurs outils de bricolage. Mais on est tellement bardé de lois ou de règles insignifiantes. À ce propos, une préposée m’a déjà répondu qu’on ne pouvait demander à une personne âgée de peler des carottes, elle pourrait se couper. Pis après? Les diachylons, ça existe. Oui, mais, le syndicat ou les proches pourraient porter plainte. Règlements de mes fesses… Il y a toujours un fonctionnaire prêt à concevoir des lois en cul de moineau. Ne voit-on pas que ce dont nos aînés souffrent le plus c’est de solitude? Ce virus qui les confine dans l’isolement et qui leur laisse jour après jour et inlassablement le COeur VIDe. Pensons-y. Car un jour, ce sera notre tour…