Pas d’ma faute
Chronique d’un X
par Jean-Claude Tremblay
jctremblayinc@gmail.com
Au pays du lama, où il fait bon cracher, c’est souvent la faute des autres et, ces temps-ci, j’ai la forte impression que c’est pire que jamais, à en juger par les grands titres et la grogne collective.
En éducation, « il manque de ressources spécialisées et les enseignantes sont au bout du rouleau ». En santé, « les infirmières ont plus que jamais la langue à terre, et les préposées sont juste plus capables de fonctionner ».
« Encore les coupures des inconscients bleus », diront certains nostalgiques. « C’est l’arrogance et l’incompétence des rouges », diront les contemporains. « C’est l’inertie du syndicat », diront les autres. Quel est le dénominateur commun entre ces énoncés tristement réels? C’est jamais de leur faute. Mais savez-vous ce qui est pire que « c’est pas d’ma faute »? « C’est pas d’ma faute… pis en plus, c’est d’la sienne »!
Pendant ce temps, lors d’une mêlée journalistique près de nous, le chef d’État, en carence évidente de vitamine D, répondra dans toute sa sagesse : « Késsé vous voulez qu’un gars faize?! Y’é parfait mon miniss d’la santé – c’t’a vous autres de trouver des solutions ». Édifiant et responsabilisant comme approche, n’est-ce pas? Les politiciens auraient tout intérêt à se rappeler ce que le prêtre oratorien et théologien français Nicolas Malebranche a jadis déclaré : « Lorsque l’erreur porte les livrées de la vérité, elle est souvent plus respectée que la vérité même ».
En revanche, je ne veux pas trop les brasser, car ces temps-ci, ils tombent comme des mouches, nos valeureux parlementaires. Comme des insectes fatigués, usés à la corde, comme s’ils revenaient tous d’un interminable voyage dans le parc de La Vérendrye, tentant d’éviter les pare-brise, un brûlant jour d’été.
L’aiguille du tourne-disque, qui joue « Blâme pas le gouvernement, mais débarrasse-toi z’en » chanté par Charlebois et écrit par Bourgault, est brisée. Figé dans l’intemporalité, le segment de la chanson est toujours d’actualité, mais je suis d’avis que c’est surtout le système qu’il faut réformer. Pourquoi vous pensez que les vieux partis se confondent, et que malgré la présence de personnes dévouées et compétentes, dans chaque formation, toujours, nous nous indignons?
Il faut admettre qu’on leur demande d’être parfait, oui, parfait. Aussi, il me semble qu’il y a de plus en plus d’interdits, et de moins en moins de permis. Je m’explique : les politiciens ne peuvent pas trop faire d’argent (surtout les femmes), ne peuvent pas s’exprimer librement, ne peuvent pas contredire le chef ni appuyer une idée d’un autre parti, même si elle est excellente. En somme, sois idéologiquement laïc et tais-toi, sinon, tu seras excommunié! OK… qui veut se présenter?! Parfois, j’ai le goût d’y aller, juste pour enseigner les bienfaits de la libre pensée, une qui nous est propre, une sans sucre ajouté.
Est-ce juste mon impression, où ça ressemble drôlement à la doctrine qu’imposait le clergé envers la société des fidèles Canadiens français, il y a une soixantaine d’années? D’ailleurs, ironie et histoire obligent, saviez-vous que c’est le gouvernement qui, en 1964, a créé le ministère de l’Éducation pour justement contrer l’emprise de l’Église dans divers domaines de la société?
Il semble qu’on ait réussi à chasser l’Église de l’État, mais les us et coutumes, eux, sont toujours bien présents.
Difficile d’évoluer et de demander à nos représentants d’élever leur jeu, dans un système aussi hermétiquement cloîtré, vous en conviendrez. Il n’en reste pas moins que c’est leur responsabilité de bien nous représenter, d’innover et de faire avancer la société.
Et nous…? C’est quoi notre rôle dans tout ça? Il faudrait peut-être commencer par s’intéresser au système, ou avoir le courage d’en proposer un meilleur. « Non, moi je veux rien savoir, y sont tous pareils pis y’a rien qui va changer! ». À ceux-là, je sortirai mon plus grand Landry en leur disant « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans »! Votre latin est aussi rouillé ou limité que le mien? Alors voici : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
Je garde tout de même espoir, car la grogne n’est jamais fatale, mais l’indifférence, elle, oui.
On dit qu’on a le système et les politiciens que l’on mérite. Je ne sais pas. Les élus sont peut-être le reflet direct du miroir collectif de leurs obligés, mais je ne peux m’empêcher de croire qu’il faut défier le statu quo et combattre la fausse moralité.
La prochaine fois, si nous ne saisissons pas l’opportunité de réformer le système, et d’élire des gens correspondant à nos valeurs d’authenticité, et à nos ambitions d’évoluer – ce sera… « d’notre faute ».