Quand le contrôle de l’information va trop loin

Par pierre-schneider

Huit heures trente samedi soir. Je suis dans un chalet au lac des Becs-Scie quand tout s’éteint abruptement. Vérification faite dans l’entourage, il s’agit bel et bien d’une panne électrique touchant les alentours.

-Par Pierre Schneider

Coup de fil à Hydro Québec où, après maints démêlés avec le robot qui insiste pour avoir le code postal que j’ignore, je réussis à m’entretenir avec un être humain qui m’explique que la panne touche environ 800 foyers de Saint-Sauveur et qu’elle est dûe à un accident.

Semble-t-il qu’une automobile aurait renversé un poteau transportant la précieuse énergie.

Mon instinct de journaliste me dicte d’aller aux sources pour connaître le lieu de l’accident et l’étendue des dégâts. Y a-t-il des blessés, voire un décès?

Second coup de fil à la Sûreté du Québec locale où l’agent qui prend l’appel me réfère instantanément à un autre numéro, celui des relations de presse, situé au quartier général de Montréal, dont je m’empresse de signaler le numéro.

Au bout du fil, une agente en communications me dit qu’elle est en service depuis le matin et qu’elle n’a entendu parler de rien. Je lui signale que le renseignement me vient d’Hydro et que la SQ locale m’a référé à elle.

«Vous êtes certain que c’est à Saint-

Sauveur? Ils auraient dû m’avertir de votre appel. Car j’ignore tout de cet accident. Veuillez me rappeler dans vingt minutes.»

Lorsque je la rappelle, vingt minutes plus tard, l’agente Audrey-Anne Bilodeau me dit qu’elle a réussi à apprendre qu’il y a eu collision vers 15h30, rue Saint-Elmire, où un homme en état d’ébriété a frappé un poteau, mais qu’elle doute que ce soit la cause de notre désagrément.

Basée à Montréal, elle doit assumer seule les relations de presse de tout le Québec en ce beau week-end estival. Quand je lui demande s’il y a des développements au sujet de l’incendie du Faubourg Saint-

Sauveur, elle ne peut que me répéter que les analyses et l’enquête se poursuivent…

Y a-t-il eu arrestations? Elle ignore même s’il s’agit bel et bien d’un incendie

criminel…

Si je rapporte ces faits ce n’est pas pour jeter la pierre à cette travailleuse de l’information, mais pour souligner que depuis plusieurs années, depuis qu’on a multiplié les spécialistes diplômés en communications, l’information n’a jamais été autant étouffée.

Maintenant que chaque organisme ou politicien bénéficie d’un budget pour ses relations de presse, il devient de plus en plus difficile de parler aux véritables responsables des dossiers. On préfère la langue de bois des relationnistes qui ont développé l’art de ne rien dire et à qui les médias accordent temps d‘antenne et espace pour combler le vide provoqué par ceux qui ne veulent pas que l’on sache ce qui se passe.

J’exagère, dites-vous? Vieux routier du journalisme, j’ai connu des jours où la transparence n’avait pas l’opacité d’aujourd’hui et où, quand on appelait votre poste de police local, l’agent de service pouvait vous réponde que l’incident avait eu lieu à tel endroit, à telle heure et si oui ou non, il y avait dommages physiques ou matériels. Aussi simple que cela.

Aucun secret d’État n’était éventé. Mais de nos jours, le même agent est muselé. Il n’a pas le droit de dire un seul mot, sauf pour vous référer aux langues de bois, les grands spécialistes des communications.

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