The show must go on!
Par Josée Pilotte
J’ai grandi dans le quartier Chomedey à deux pas de la Récréathèque et du parc Belmont. Je suis de la Rive-Nord, une fille de Laval. Mes amis s’appelaient Vincent, Chantal, Fatima, Rosa, Mohamed et Nathalie… nous formions un heureux mélange de «pure laine» et de «tissus étrangers». Nous partagions les mêmes préoccupations: n’en avoir aucune.
Dieu qu’on était bien! (désolée… je ne suis pas certaine que je puisse encore évoquer le Tout-Puissant ainsi à haute voix… disons que je fais appel ici à mes «droits et libertés»…)
À cette époque, quand Vincent quittait la gang pour respecter son Yun Kippour et Fatima son Ramadan nous, les «pure laine», n’en étions pas autrement surpris… À cette époque, nos dieux n’étaient pas en compétition; nous étions beaucoup plus «saints» plus «simples» que ça: «mon père est plus fort que le tien!»… une innocente compétition, propre à une époque révolue, presque d’un autre temps.
Un temps où Mohamed et Fatima ne faisaient pas les bulletins des téléjournaux pour revendiquer le port du voile islamique, l’hijab, dans un match de soccer; un temps où un jeune sikh ne revendiquait pas le port du couteau, le kirpan, pour aller à la petite école; un temps où Fatima et Chantal étaient assises dans la même classe, à la même heure, pour leurs d’examens de HEC.
Et moi, quand on me demandait d’enlever la croix de mon cou sur un terrain de sport, je ne me posais même pas cette question: Pourquoi?
Je ne sais pas ce qui s’est passé entre les années 70 et aujourd’hui pour que la fille d’une petite Fatima qui aurait pu jouer avec moi se retrouve soudainement propulsée, en couleur, sur les «unes» des différents journaux… pour quel dieu, en vertu de quel droit son terrain jeux est devenu la «planète-média»? Cette pauvre petite porte maintenant le poids des siens et l’honneur de sa religion sur ses épaules, nous l’avons transformée en symbole, en porte-parole de messages bien démesurés pour une petite qui avait déjà marqué deux buts!
Simplement: «Pourquoi?»… «Au nom de quoi?»
Sommes-nous devenus plus intolérants? Sont-ils devenus plus intransigeants?
Je ne suis pas sociologue, mais j’aime bien me poser ce genre de questions et chercher des réponses, si réponses il y a.
Peut-être ici un début d’explication: la mondialisation ayant eu éventuellemment pour effet de nous rendre anonymes, d’effacer les signes de notre appartenance, de masquer ce que l’on est intimement, profondément… donc pour nous rassurer sur notre place et notre existence sur cette planète un peu détraquée, on va gueuler sur la place publique ce que l’on croit qui nous définit et ce que l’on considère une question de vie ou de mort…
Oui, peut-être un début d’explication…
Mais.
Le sujet est éminemment politique et il m’interpelle au plus au point même si parfois la politique m’emmerde royalement!… Comme quand elle nous présente les politiciens comme des clowns, quand l’image prend le dessus sur les idées, quand les enjeux deviennent un prétexte pour sortir l’artillerie du grand boxeur; quand l’un pleure pour attirer la sympathie, quand l’autre à coups de lapsus attise la crainte des gens… quand l’un règle les grands problèmes de notre société à coup de petits proverbes faits maison, quand l’autre incarne la nostalgie des «seventies» en nous fredonnant du Harmonium… «on a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter…»
Et bien moi, j’vous dis qu’on n’est pas sortie tout suite du bois !
Mais.
Rassurez-vous j’irai quand même voter le 23 mars prochain. J’écouterai attentivement le débat des chefs pour ainsi les voir débattre leurs idées et leurs programmes respectifs, sans filet et sans le filtre des médias. Je les verrai pratiquer librement la politique sans contrainte, sans la pression des relationnistes…
Je les verrai pratiquer leur métier comme j’aurai aimé voir cette jeune fille de 11 ans, Asmahan Mansour, continuer de pratiquer entièrement et authentiquement son sport : libre, sans directive, sans artifice, sans chaînes.
Mais.
Malheureusement le show must go on.
Au fait, dites-moi donc, j’ai une question drette –là: la petite Asmahan Mansour, si elle avait eu à pratiquer le hockey plutôt que le soccer… euh… son foulard, là… son hidjab… elle aurait choisi de le porter à l’intérieur ou bien à l’extérieur de son casque?