Douloureuses rentrées

Par Mimi Legault

La rentrée à l’école est pour un jeune enfant une séparation difficile; un monde incertain dans lequel il affrontera des joies, des peines, des déceptions. Il devra être armé dans le bon sens du terme.

Je vous raconte la première fois que je suis entrée à la maternelle qui, à l’époque n’existait pas encore, mais dans mon patelin, une certaine madame Cusson avait décidé d’en ouvrir une, au privé. C’était une femme à la fois douce et austère, pas très souriante, alors que j’arrivais d’une famille où il faisait bon rire et s’amuser. La maternelle s’avéra un lieu qui ressemblait plutôt à une église : tu te taisais et tu écoutais le curé ou la maîtresse parler. C’était comme ça. Ladite maternelle se trouvait sur une rue qui correspondait à l’arrière de l’hôtel dont mon père en était le propriétaire. Ce matin-là, alors que j’étais sagement assise sur la galerie de madame Cusson, je vis soudainement papa descendre de son auto dans le stationnement de l’hôtel. En apercevant mon père, je me mis à courir vers lui en traversant la rue sans regarder s’il y avait une auto qui venait. Prise de panique, madame Cusson se mit à courir à son tour et me rattrapa. Je croyais que mon héros de père ne ferait ni une ni deux et qu’il viendrait me délivrer. Ce fut loin d’être le cas. Elle me ramena prestement au bercail pendant que papa impuissant, assistait de loin à ce que j’appelai plus tard, un rapt. Je m’en souviens encore comme si c’était hier.

Autre rentrée douloureuse, je me trouvais au chalet, c’était la veille de la rentrée des profs. Il faisait canicule. Vers midi, je décidai d’aller jogger. Dès mes premières foulées, j’ai vite réalisé que ce n’était pas une bonne idée. Mais bon. Placée dans mon dos, ma bouteille d’eau, lorsque j’ai voulu prendre une gorgée, resta coincée dans ma ceinture. Tant pis, je terminai difficilement ma course. Et en arrivant au chalet, je m’affaissai sur la première chaise. Il était trop tard. Je sombrai dans une sorte d’engourdissement qui alerta la famille. Coup de chaleur. Pendant une semaine, je fis 102 degrés de fièvre, déshydratée. À l’école, je me traînais lamentablement. J’avais même jeté mon thermomètre croyant qu’il était brisé tellement les chiffres 102 apparaissaient chaque matin.

Et une autre. J’enseignais à St-Jérôme et mon fils faisait son entrée en première année ici même à St-Sauveur. Je demandai alors une permission spéciale à mon directeur afin d’escorter fiston. Ce matin-là, c’était déjà l’automne. Je remerciai ma voisine qui avait gentiment gardé le petit qui m’attendait. Nous arrivâmes dans la cour de l’école et comme j’ouvrais la portière de l’auto, mon fils me regarda sérieusement en me disant (je revois encore sa petite main en guise de stop) : tu ne viens pas maman, suis capable tout seul. Mais enfin, lui dis-je, regarde toutes les mamans (certains papas) sont là qui accompagnent leur enfant. Il releva sa menotte : non maman… Il descendit, seul comme un grand garçon de 6 ans, il ne vit pas mes larmes qui roulaient sur mes joues. Je respectai son désir et pliai bagage.

Mon cœur avait froid, c’était aussi l’automne dans mon âme. Lorsque l’on se retrouva le soir au souper, j’avais hâte qu’il me raconte sa journée. Il me répondit qu’il avait attendu qu’il soit nommé et qu’en attendant, il avait vu un monsieur qu’il semblait connaître. Il s’était dirigé vers lui et lui avait tendu sa petite main que l’homme avait gentiment prise. Un étranger? Non, m’assura-t-il, je crois que je le connaissais. Tu…tu crois ? Ça resta comme ça, puis un soir devant la télé, il me dit en l’apercevant à l’écran: c’est LUI. Qui lui? Ben le gars qui m’a tenu par la main à ma rentrée. C’était … Robert Charlebois qui était venu lui-même reconduire son propre fils. Je n’ai jamais eu l’occasion de le remercier, je le fais un peu en retard, mais du fond du cœur. Merci monsieur Charlebois!

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