Popeye doit se retourner… dans les bras d’Olive…

Par Josée Pilotte

Où sont passés les vrais rebelles?

La mort pourrait bien venir de l’assiette.

Du botulisme du jus de carottes, à la contamination des épinards, en passant par l’eau et la salade, l’assiette devient la principale suspecte, chaque souper préparé un exercice périlleux. C’est un retour en arrière; la menace ne vient plus uniquement du ciel, comme a pu nous le laisser croire dernièrement la nucléarisation iranienne, mais de ce que l’on porte à nos lèvres, comme à l’époque des poisons et autres barbituriques ancestraux. C’est d’un autre temps, c’est un anachronisme; mais c’est redevenu notre réalité alimentaire, quotidienne.

Les mines antipersonnelles dorment, attendant leur heure, dans nos réfrigérateurs.

Les États-Unis produisent chaque semaine 76 millions de pommes de salades; le poulet que nous ingérons est concentré, à travers le monde, entre les mains de quelques éleveurs de poussins… des éleveurs peut-être même moins nombreux que ceux qui ont le doigt sur un bouton atomique. Ça vous fait pas réfléchir? Sait-on seulement d’où provient ce que l’on bouffe?! A-t-on seulement le choix, dans un pays qui «n’est pas un pays (mais) l’hiver», si l’on veut manger, six mois par année, autre chose que des légumes-racines, que de faire confiance aux aliments cultivés, produits, emballés, transportés, réfrigérés, par des voisins aux cieux plus cléments?…

Notre pain quotidien

Si la menace bactériologique est, comme le nucléaire, très présente à nos esprits, elle pourrait prendre d’autres formes – plus familières, plus ménagères! – qu’un gaz sarrin répandu dans un métro de Tokyo… Quoi de plus simple qu’une attaque virale via «notre pain quotidien»? La grippe aviaire, le botulisme, E. Coli et Walkerton, le «bœuf fou» (pourquoi la folie ne serait-elle l’apanage que de la femelle?) et le colibacille nous en ont déjà dressé un percutant apercu. Ça me donne juste envie d’encourager le maraîcher du coin, les producteurs d’ici, les produits bio, les cultivateurs de mon village, comme Lucie et Terry, de Fruits & Légumes Saint-Sauveur, des «trippeux» de potager, qui peuvent discourir amoureusement pendant des heures des fruits (et des légumes surtout!) de la terre.

Le potager de mes grands-parents n’est pas loin…

Slow-food et rédemption

De kossé?! À l’horreur, que répondre? Les artisans culinaires ont cherché. Les Ricardo de ce monde ont trouvé. Au fast-food, il fallait une réplique… Rédemption! De l’air pour nos systèmes essoufflés: le SLOW-FOOD.

Le salut pourrait bien venir de l’assiette, et de cette tendance-là précisément,

dans cette idée italienne, en réaction à l’ouverture du premier McDo à Rome, et qui a rapidement pris une ampleur mondiale: ces jours-ci se tient à Turin le congrès Terra Madre et le Salon du goût, qui tous deux font l’apologie du slow-food. C’est une lutte contre les multinationales du fast, c’est une affirmation identitaire, une réappropriation de ses racines par le biais de son terroir, de ses produits, et de la cuisine que ceux-ci permettent.

C’est le summum de l’alter-mondialisation.

Remarquez bien, les Italiens n’avaient déjà pas à chercher loin… leurs fast-food à eux, c’était déjà les pizzas-rapides, les pâtes-pas-cher… Que ne donnerais-je pas, là, tout de suite, pour déguster l’une de leurs pizzas à la pâte inimitable, dans une trattoria de l’endroit, entourée d’accent chantant…

Le slow-food, c’est l’art de prendre le temps de la cuisine, et de prendre conscience de ce nous préparons.

La recette? D’abord «Un bon livre de recettes!», justement, comme me lançait ma copine Manon, cette semaine, venant de s’offrir l’ouvrage Cuisiner avec les aliments contre le cancer, best-seller dans la mouvance des «alicaments»…

Alors, les filles, retour aux fiches-recettes, à Jeannette Bertrand et Jeanne Benoît. Et puis, souvenez-vous donc de l’odeur, quand vous étiez petites, des plats préparés par vos mères ou grand-mère… Pour moi, les effluves des recettes mitonnées par ma grand-mère, Maria, sont un véritable réconfort pour l’âme. Voilà des gens qui savaient mettre «la main à la pâte» et qui avaient compris que le repas peut être une fête, une communion… Il y a quelque chose de chaleureux et d’une douce noltalgie à ce retour à cette façon de faire. D’ailleurs, Maria, elle se tient encore aujourd’hui, du haut de ses 82 années, droite comme un chêne, et bouge et s’active au rythme des saison avec une vivacité qui me challenge, moi, sa petite-fille à l’entraîneur personnel… C’est dire!

Le slow-food s’inscrit dans une vision très italienne non seulement du rapport à la nourriture, mais aussi du rapport à la vie (d’ailleurs, les deux ne se confondent-ils pas de plus en plus?: la nourriture est à la fois liée à la vie et, comme je le démontrais plus haut, de plus en plus risque de l’être à la mort): prendre le temps… J’ai dû être une Italienne, dans une autre vie!

Où sont passés les vrais rebelles? Urbains-à-tout-prix, les cheveux longs, rasés de loin, mais parfumés à l’Armani comme mon rédac’chef, tout fier de «ne manger chez McDo que trois fois par semaine… et puis, tu verras JoPi, j’vais bien me mettre une journée ou deux au Subway», mais incapable d’allumer le moindre BBQ… au propane!?

Non, les vrais rebelles, aujourd’hui, cultivent leurs légumes. Ils sont les derniers des justes. Ils nous sauvent peut-être pendant que nous nous amusons, inconscients, en refaisant le monde, un samedi soir, entre amis, autour d’un pot-au-feu.

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