J’ai raison !

Par Mimi Legault

J’ai un ami, plutôt une connaissance, qui refuse d’avoir tort même si sa faute ou son erreur est claire comme du jus de chique. Comme s’il craignait d’abîmer sa petitesse ou son côté trumpiste. Remarquez que celui ou celle qui refuse de reconnaître ses torts souffre généralement d’un complexe d’infériorité ou de supériorité. Je ne suis pas une psy, mais la chose me frappe à chaque fois.

Jeune, on m’a appris à admettre mes erreurs en me disant que ce n’était pas une raison pour m’immoler sur l’autel et que ça ne me ferait pas mourir. Quinze minutes après, l’un de mes parents venait me voir en me demandant : pis, es-tu toujours vivante ?… À l’école, à la suite d’une chicane entre élèves, je posais la sempiternelle question : c’est toi qui as fait ça ? Non, c’est lui. Comment faisais-je pour que ma moyenne au bâton soit aussi nulle ? Je tombais toujours sur l’innocent !!! Ma remarque faisait rire les élèves.

Dernièrement, j’ai rencontré Carlo, un ancien de ma classe qui m’a avoué n’avoir jamais oublié la leçon que je lui avais gentiment servie. Son écriture paraissait aussi mal qu’une ordonnance de médecin. Il m’avait répondu du haut de ses huit ans : c’est pas d’ma faute, c’est mon crayon. Je lui en avais tendu un neuf. Il était revenu quelques instants plus tard en me présentant son cahier. Aucune amélioration. C’est pas d’ma faute, c’est mes nerfs. Ah bon… Je lui demandai alors ce qui lui ferait le plus plaisir en échange de l’effort et de l’application qu’il y mettrait. Il me répondit qu’il désirait une Corvette. Rien de moins. Alors Carlo, lui avais-je dit, fais comme si après avoir écrit tes trois phrases correctement, tu en recevrais une. Il accepta le défi. Je le regardais écrire, avec sa petite langue sortie comme le font certains enfants appliqués à une tâche qu’ils aiment. Adorable. Il revint tout heureux pour me montrer son chef d’œuvre. Wow ! J’ignore lequel de nous deux était aussi content. T’as saisi mon Carlo ? La faute, elle venait de toi, de personne d’autre et toi seul pouvais la corriger. Le lendemain matin, une rutilante petite Corvette rouge trônait sur son pupitre. Le regard pétillant qu’il m’avait lancé…

Même le taureau reconnaît ses taures. Succès bœuf assuré! Puis sérieusement, je suis capable de comprendre qu’un enfant n’admette pas sa faute. Mais un adulte ! Regardez notre PM Legault, il ne craint pas d’avouer qu’il s’est trompé. Pas toujours, mais la plupart du temps. Une facette de sa personnalité qui le rend sympathique.

La personne qui s’entête à répéter qu’elle a raison me casse les pieds, les oreilles, alouette. Bon, me voilà pompée. Avez-vous remarqué que quiconque commence sa phrase par : je peux me tromper mais… est convaincue en partant d’avoir raison. Que l’orgueilleux ou le fat est certain qu’il paraîtrait carrément inférieur et souffrirait de geysers de culpabilité s’il fallait qu’il admette une once d’erreur de sa part. Son auréole, s’il en a une, lui serre un peu trop fort la tête. Grosse devanture, p’tit magasin… De là, les guerres, les tueries, les violences. C’est la certitude qu’il tient la vérité qui rend l’Homme si cruel. Ça va loin tout ça. Le débat devient oisif et inutile. Parole de Devos : on a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort. Vous me suivez ?

On sait tout, on connaît tout sauf que la réalité est toute autre. On croit tout savoir du désert alors qu’au creux de notre main gît un tout petit grain de sable. Ce n’est pas parce que l’on ne s’informe pas que l’on connaît tout. De toute façon quoiqu’il arrive, il y a toujours quelqu’un pour affirmer qu’il savait que ça arriverait.

Cette petite pensée humoristique de Léo Campion : celui ou celle qui reconnaît ses torts est une personne honnête. Celui ou celle qui reconnaît son erreur quand il ou elle a raison est marié(e) ! Et dans le mariage, l’un des deux dit à l’autre : il ne peut y avoir que deux solutions, soit j’ai raison, soit tu as tort !

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