L’été en gougounes
Par Mimi Legault
Il y a de cela quelques années, j’avais été invitée à un brunch. Ce jour-là, la température avait pointé le doigt vers le haut (comme un finger). Il faisait 34 degrés Celsius, mais on ressentait avec l’humidité un bon 40. Je m’étais présentée en gougounes. L’hôte de la maison m’avait regardée de la tête aux pieds. Surtout les pieds en me disant : mais ma chère, les gougounes ne sont plus à la mode. Ah oui? Je blague, avait-elle ajouté en voyant mon air contrarié.
Était-elle au courant que les gougounes qui portent plusieurs noms, tels que petites sandales, tong, savates, avaient l’âge vénérable de 5 000 ans? Oui madame! La gougoune paraît jeune pour son âge. L’origine remonte au temps des Égyptiens qui, pour éviter de se brûler les pieds sur le sable chaud du désert, ont inventé une sandale modeste faite initialement d’une feuille de papyrus retenue par des lanières de cuir. Si je ne me trompe pas, même Jésus (et c’est le cas de le dire) se « crissait » de la mode. Non, il ne portait pas de « runnings », de « Converse » ou d’« Adidas ». Son père, disait-il, qui se contentait de créer et non d’inventer, était trop pauvre. Savez ce que c’est des rumeurs…Énéwé.
Pour moi, la mode est un ennemi juré. Elle est un bourreau que ses proies acclament. Et cette soumission m’accable au plus haut point. Parce que si vous portez des vêtements qui ne vous conviennent pas, eh bien, je vous annonce que vous faites partie des victimes de la mode. Vous serez d’accord avec moi : la mode ne sied pas à tout l’monde. Des mini-jupes portées par des maxi-femmes, ça fait dur surtout si en plus, elle est « rose bonbon », comme disait ma défunte tante Rosalba… Quand on est rendu à deviner le point G, certains voyeurs n’espèrent qu’un vent favorable ne réponde à leurs désirs…
J’ai toujours eu un faible pour l’élégance. Est-ce que j’en suis? Non. Peut-être. Je porte presque quotidiennement un jeans avec un t-shirt blanc et… des gougounes. Coco Chanel, elle-même, créatrice de mode, a dit que la plus belle couleur au monde était celle qui vous allait bien. J’ai une étrange définition de la mode qui pourrait se lire comme ça : c’est une drôle de bibitte sociale par laquelle tout l’monde se met subitement à aimer une chose que personne n’aimait auparavant et que plus personne n’aimera demain. C’est Konrad Lorenz qui a écrit que la mode est la méthode la plus irrésistible et la plus efficace de manipuler les grandes collectivités humaines.
Pendant mes vacances, alors que le bord de la mer n’était que brume et que le ciel « braillait » comme un veau, nous avons décidé d’aller voir le film québécois Arlette réalisé par Mariloup Wolfe. Nous étions trois, et personne durant la représentation n’a donné son impression. Nous nous attendions à quelque chose de pas mal ordinaire étant donné les critiques lues et entendues plutôt négatives. Eh bien notre réaction a été emballante. C’est à mon humble avis et celui des deux autres un bon film que nous avons adoré! Le jeu de Maripier Morin est époustouflant! Croyez-le ou non, à la fin, les gens de la salle se sont mis à applaudir!
On dit souvent un mode de pensée. Encore le mot mode. Je pourrais tout aussi bien dire une pensée, une mode. Dans ce sens que même dans les opinions, il y a une mode : comme tout l’monde le fait, fais-le donc! Si je m’étais fiée à la réaction des critiques, je ne serais jamais allée au cinéma ce jour-là. Et pourtant, nous avons passé un délicieux moment.
Comme quoi la pensée de Pierre Desproges me va comme un gant : la caractéristique vestimentaire du con consiste en un besoin irrésistible de s’habiller comme tout l’monde et j’ajouterais de penser comme tout l’monde. Heureusement qu’il y a et aura toujours des exceptions à la règle!