L’heure n’est plus au bla-bla-bla!
Par Frédérique David
Lors du Sommet des jeunes sur les changements climatiques, Greta Thunberg dénonçait les 30 ans de « bla-bla-bla » de nos dirigeants sur le climat. En pleine campagne électorale au Québec, on ne peut que constater la poursuite de ces bla-bla dans les discours de tous les candidats, avec leurs dérapages incontrôlés, leurs gaffes monumentales et leurs querelles enfantines. Et pendant ce temps on ne parle pas, ou très peu, des vrais enjeux : la lutte aux changements climatiques!
Pourtant le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en avril dernier, est clair : « sans une réduction immédiate et radicale des émissions dans tous les secteurs, ce sera impossible. » Jamais les scientifiques n’ont utilisé des mots aussi forts. « En prenant les bonnes décisions aujourd’hui, nous pouvons garantir un avenir vivable », pouvait-on lire. Ces mots que seuls les militants écologistes utilisaient il y a dix ans sont maintenant prononcés par des experts internationaux. C’est dire l’urgence! C’est dire combien l’environnement devrait être la priorité de tous les partis politiques et à quel point la lutte aux changements climatiques devrait dicter les projets et les décisions de tous les aspirants au pouvoir.
D’autres experts, en finance et en économie cette fois, lèvent désormais des drapeaux, car les conséquences de l’inaction climatique seront catastrophiques. Le coût de l’adaptation au réchauffement planétaire est nettement supérieur au coût des mesures climatiques à prendre pour assurer un avenir à nos enfants. On entendait parler récemment de l’incroyable idée d’un barrage dans le détroit de Gibraltar, au coût de 45 milliards d’euros, pour empêcher la montée des eaux dans la mer Méditerranée. Cette incroyable solution permettrait d’économiser des milliards qui devront être investis à bétonner le littoral pour protéger les littoraux et leurs populations! Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Dès lors, rien ne sert de débattre sur l’économie et la santé si on ne priorise pas la lutte aux changements climatiques dans les discours!
La politique, c’est l’art du possible. Le rapport du GIEC avance des solutions qui devront être prises à tous les paliers du gouvernement. Cela signifie aussi qu’il y a des projets qui ne devront pas être développés. On ne peut pas continuer d’approuver des projets autoroutiers, gaziers ou pétroliers qui contribuent à la production et à la distribution d’énergies fossiles.
L’heure est aux changements. L’urgence est là et devrait se refléter dans les discours politiques. Nos dirigeants présents et futurs doivent agir en leaders pour que monsieur tout le monde comprenne aussi l’urgence de baisser la température de sa piscine, de cesser d’éclairer la magnifique façade de sa maison toute la nuit, de ne pas opter pour un gros VUS conçu pour les dunes du Sahara pour rouler tous les jours en ville et de réduire sa consommation de viande.
On n’évitera pas la catastrophe si on ne remet pas en question notre rapport à la consommation. Le rapport du GIEC nous convie à une diminution de la consommation de tout : énergie, ressources naturelles, biens et services. Quelles sont les mesures proposées par nos candidats aux élections du 3 octobre pour convaincre la population d’agir?
Jamais l’urgence climatique n’a été aussi criante. Jamais l’importance de voter en conséquence n’a été aussi présente. Nous avons le devoir de comprendre que notre vote ne peut se baser sur la vision d’un candidat sur le port du masque ou la vaccination, la position d’un parti sur l’indépendance du Québec, le discours sur la protection de la langue française, ni même un projet de métro, de tramway, de pont ou de tunnel. Notre vote doit refléter notre préoccupation pour l’avenir de nos enfants, notre désir de réfléchir au bien commun. Et au-delà du 3 octobre, il nous faudra revenir dans l’espace public et échanger nos idées. Il nous faudra échanger et restaurer un dialogue qui tend à disparaître dangereusement.
L’amélioration de notre société passe par nous. Nos dirigeants ont le pouvoir de prendre des décisions qui changeront notre avenir et nous avons le devoir de leur faire comprendre, de façon respectueuse et intelligente, ce que nous voulons. Pas en scandant des slogans complètement vides comme « liberté pour tous! », mais en proposant des solutions. Pas en montrant du mépris envers celles et ceux qui ne pensent pas comme nous ni en délaissant les instances mises en place pour assurer une certaine cohésion sociale, mais en rétablissant un dialogue constructif et en stimulant l’innovation.
« Nous sommes à la croisée des chemins », indique le rapport du GIEC. Notre bataille collective pour que notre planète puisse assurer un avenir à nos enfants n’est pas gagnée. Nous avons le devoir de nous informer, de réfléchir, d’agir et d’échanger. Les grands enjeux économiques, sociaux et politiques de notre vivre-ensemble passent par le rétablissement d’un dialogue.