Eric Emmanuel Schmitt : Du livre à la scène
Par Joëlle Currat
L’écrivain prolifique et chéri du public est au Québec pour le « Mystère Carmen », une pièce qu’il a écrite et qu’il interprète aux côtés de la soprano Marie-Josée Lord et du ténor Jean-Michel Richer. Elle sera présentée au Théâtre Gilles-Vigneault et au Patriote début mai.
Si vous me demandiez qui est selon moi l’homme idéal, je vous répondrais sans hésiter quelqu’un comme Eric Emmanuel Schmitt. Son charme et ses propos m’inspirent à chaque fois que je le vois ou que je l’entends. Est-ce que le fait de lui parler a confirmé mon impression ? Je n’ai pas été déçue…
Vous racontez des histoires depuis longtemps. Quels sont les thèmes qui vous inspirent à l’heure actuelle ?
Je trouve les êtres humains d’une complexité et d’une profondeur que je n’ai pas finies d’explorer. Je suis de plus en plus surpris par les gens. Quand j’avais 20 ans, j’étais blasé. Je voyais la réalité uniquement à travers le filtre de l’intellect. Mon acte de romancier et de dramaturge m’a fait découvrir une nouvelle dimension, celle de l’âme humaine. Je suis vraiment inspiré par le destin des êtres.
Je m’imagine que votre vie a pris une nouvelle dimension après votre expérience dans le désert que vous racontez dans « La Nuit de feu » ?
Oui, complètement! L’homme que je suis est le fils de cette nuit. Je suis entré dans le désert athée et j’en suis ressorti croyant. Et surtout confiant. La confiance est une petite flamme qui n’éclaire rien, mais qui tient chaud.
Vous signez le texte de « Mystère Carmen ». Qu’est-ce qui vous a incité à écrire au sujet de cet opéra ?
Le personnage de Carmen est unique dans l’histoire des arts. C’est une femme qui ose s’affirmer. Elle n’accepte aucune règle sociale, politique ou sexuelle. C’est elle qui choisit les hommes, puis les chasse ensuite parce qu’elle accepte le côté éphémère du désir. C’est une femme qui vit sa propre vie et non pas celle des autres. Quelle leçon pour nous tous!
Carmen est une femme solaire. Et comme tous les êtres solaires, elle se consume et nous éclaire. Elle nous montre qu’il faut vivre sa vie, même si c’est risqué.
Dans la pièce, on va découvrir que le compositeur de cet opéra, Georges Bizet était un être très doué en musique, mais très faible psychologiquement. Pourtant, quand il lit la nouvelle de Prosper Mérimée au sujet de Carmen, il crée cette œuvre et impose un personnage qui ne cadre pas du tout avec la société parisienne du 19e s. Cette femme lui a donné la force d’être l’homme qu’il est réellement.
À quoi peut-on s’attendre en allant voir ce spectacle ?
Je joue le rôle du narrateur qui mène l’enquête à propos de la mort de Bizet. Pourquoi cet homme de 36 ans, compositeur de l’opéra Carmen, se jette dans la Seine et meurt trois jours plus tard. Est-ce un suicide, un accident, un meurtre ? Tout au long de l’enquête, on voit défiler la vie de Bizet entrecoupée de quelques-unes de ses pièces musicales – interprétées par Marie-Josée Lord et Jean-Michel Richer, accompagnés au piano par Dominic Boulianne.
Dans le relatif chaos dans lequel nous vivons actuellement, quelle est selon vous la qualité ou la vertu la plus nécessaire ?
La bienveillance, dans le sens d’un intérêt pour l’autre, de l’écoute de l’autre et de l’acceptation de la différence. Elle représente le seul ciment possible entre les êtres humains.
« Le Mystère Carmen », Théâtre Gilles-Vigneault, Saint-Jérôme, le samedi 4 maià 20h
Théâtre Le Patriote, Sainte-Agathe, le samedi 11 mai à 20h
Pour info : theatregillesvigneault.com
À la découverte de l’animisme
Le plus récent livre de Eric Emmanuel Schmitt s’intitule« Félix et la source invisible » et aborde le thème de l’animisme.
« L’animisme est la religion première de l’humanité. Elle est encore pratiquée aujourd’hui par des millions d’êtres, en Afrique par exemple. À travers mon récit, j’ai cherché à la comprendre », explique l’auteur.
Il ajoute que l’animisme consiste essentiellement à concevoir que tout a une âme : la Terre, les animaux, les végétaux, les objets, etc.
Il n’y a pas de supériorité humaine. L’idée de contrôler et de piller la nature y est absente.
On y voue également un culte aux ancêtres.