(Photo : Nordy - Davy Lopez)
Avant la cessation des services, des cours de francisation étaient offerts au Centre de formation générale des adultes des Cimes, à Sainte-Adèle.

Coupures en francisation au CSSL : Une dizaine d’enseignants et plus de 140 élèves écopent

Par Ève Ménard - Initiative de journalisme local

À compter du 6 décembre, le Centre de services scolaire des Laurentides (CSSL) mettra fin à ses services de francisation aux adultes, faute de financement et en raison des récentes contraintes budgétaires. Plus de 140 élèves ne pourront pas terminer les cours qu’ils avaient entamés. Et une dizaine d’enseignantes et d’enseignants perdent leur emploi.

Les cours de francisation étaient offerts au Centre de formation générale des adultes des Cimes, à Sainte-Adèle et à Mont-Tremblant.

Manque de financement

Le financement pour les élèves en francisation est octroyé en fonction du nombre d’élèves qui fréquentaient les services en 2020-2021, explique Sébastien Tardif, directeur général du Centre de services scolaire des Laurentides (CSSL). Or, au CSSL et sur le territoire des Laurentides, le service est « de plus en plus en demande », précise-t-il. Il y avait donc plus de demande que d’argent.

Faute de nouveau financement, le CSSL ne prenait plus de nouvelles inscriptions depuis le début de l’automne. Par contre, le Centre de services tenait à maintenir l’enseignement pour les élèves qui avaient déjà entamé le processus. « On juge que c’est tellement important qu’on s’était serré la ceinture ailleurs pour continuer d’offrir le service », indique monsieur Tardif. Or, une nouvelle contrainte budgétaire empêche maintenant les Centres de services scolaires d’utiliser d’autres sources de financement pour maintenir les services de francisation. C’est donc « avec regret » que le CSSL a dû annoncer la cessation des cours.

« Injustifiable »

Myriam Turcotte, vice-présidente du SEEL, Annie Domingue, Liliane Bergevin et Émilie Légaré, des enseignantes en francisation, ont déposé une lettre au bureau de la député France-Élaine Duranceau pour manifester leur mécontentement concernant la cessation des services en francisation.

L’annonce a été accueillie avec tristesse et indignation par le Syndicat des enseignantes et des enseignants des Laurentides (SEEL). « Nous n’étions pas surpris, parce que l’ensemble de la province subissait ce type de décision faute de financement. Mais ça ne demeure pas moins une catastrophe. Le CSSL a tenté de maintenir le service. On est parmi les chanceux qui l’ont maintenu jusqu’à maintenant. Nos membres espèrent que le gouvernement va changer de cap. Pour nous, il n’y a pas d’autres solutions que de revoir le financement », affirme Annie Domingue, présidente du Syndicat.

Pour Sébastien Tardif aussi, tout est une question de financement. « On a les ressources professorales, on a les locaux », dit-il. « On espère qu’il y aura un dénouement et qu’on pourra reprendre le service le plus tôt possible. »

Considérant la demande en francisation et les ressources offertes par le CSSL pour y répondre, madame Domingue considère que les coupures du gouvernement sont « carrément injustifiables ». Elle ajoute: « on croyait, visiblement à tort, que la valorisation de la profession enseignante et l’apprentissage du français était importante pour ce gouvernement. »

La perte d’une expertise

La cessation des services affecte 10 enseignants et un membre du personnel de soutien. Le CSSL s’organise pour offrir des contrats et des tâches au personnel affecté. Le Centre de services est confiant d’y arriver, souligne monsieur Tardif. « On les accompagne dans cette transition. Ce qu’on est en train de faire, c’est de les replacer dans l’organisation et d’assurer une transition la plus harmonieuse possible, dans les circonstances. »

Les enseignants en francisation développent et transmettent une expertise particulière, qui se perd, malheureusement, à travers la cessation des services, constate Annie Domingue. « La francisation, c’est plus que l’apprentissage du français. C’est la transmission des codes de notre culture et de notre société », souligne-t-elle.

« On espère évidemment que tout ça soit temporaire et qu’éventuellement, on va être capable de replacer les enseignants dans leur domaine d’expertise », affirme pour sa part Sébastien Tardif.

Accompagner les élèves

Les enseignants qui perdent leur emploi sont bien sûr inquiets de leur situation professionnelle, rapporte Annie Domingue, présidente du Syndicat des enseignantes et des enseignants des Laurentides (SEEL). Mais ils sont surtout préoccupés pour leurs élèves. Non seulement ceux-ci se retrouvent sans cours de francisation, mais ils perdent aussi les liens de confiance qu’ils avaient créés avec leur professeur, souligne Mme Domingue. « Les nouveaux arrivants sont, pour nos membres, des élèves qui n’attendent qu’à apprendre. Selon nos valeurs, il est impensable que le gouvernement ne prenne pas compte du besoin de ces élèves-là », affirme la présidente.

Les élèves ont été informés de la situation et dirigés vers des organismes de la région et des services gouvernementaux pour assurer une transition et une continuité dans leur apprentissage, indique le CSSL. Celui-ci s’est tourné, entre autres, vers des organismes comme le Centre d’intégration à l’emploi des Laurentides, le Carrefour jeunesse-emploi Laurentides, le Coffret et Alpha Laurentides, énumère Sébastien Tardif. « On a essayé de rediriger les élèves vers d’autres ressources pour qu’ils puissent poursuivre leur apprentissage du français », complète le directeur général du CSSL.

Des cours de francisation pour les adultes sont aussi offerts par le Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord (CSSRDN). Présentement, celui-ci maintient ses services pour les étudiants actuels. Par contre, il ne prend pas de nouvelles inscriptions, précise le CSSRDN.

Les nouveaux arrivants « abandonnés »

Le Coffret, situé à Saint-Jérôme, reçoit et accompagne des élèves du CSSL qui ont écopé de la cessation des services. Du moment où les cours de francisation cessent, il n’y a pas d’autres options, indique Line Chaloux, directrice de l’organisme qui aide les nouveaux arrivants à s’établir dans les Laurentides.

Line Chaloux, directrice générale du Coffret, qualifie les récentes coupures en francisation d’«épouvantables ».

Le Coffret offre des ateliers de francisation seulement deux demi-journées par semaine. Ceux-ci sont donnés par des bénévoles. « Beaucoup de personnes se retrouvent en détresse, parce qu’elles avaient l’objectif d’être en intégration et de pouvoir suivre des apprentissages. Et nous, on n’a pas plus de budget pour payer des professeurs », déplore Line Chaloux. Même si le Coffret voulait augmenter son offre en francisation, ce serait donc impossible.

Selon Mme Chaloux, la situation est « incompréhensible », surtout considérant l’emphase que le gouvernement a mise sur l’importance d’apprendre le français. Depuis l’annonce de coupures en francisation, l’organisme tente, du mieux possible, d’accompagner les nouveaux arrivants qui font appel à leurs services et de défendre leurs droits. « Dans bien des cas, ils ne savent ni lire ni écrire, donc ne sont pas à même de faire les démarches pour avoir accès à leurs droits, entre autres au niveau de l’aide financière », explique Line Chaloux.

Elle rappelle aussi que les nouveaux arrivants ont des loyers à payer et souvent des familles et des enfants à nourrir. « Je pense qu’on pourrait même dire qu’ils sont abandonnés », affirme Line Chaloux. « Ils sont abandonnés dans leur détresse et dans leur manque de ressources. »

1 commentaire

  1. La langue une barrière qui paralyse les arrivants qui cherchent à s’intégrer. Comment leur donne des ailes s’y se n’est que d’augmenter leurs difficultés d’apprentissages en délaissant ce que nous voulons tant protéger. Comment les intégrer hors des murs de l’éducation et leur demander d’être engager à mieux comprendre nos valeurs. Voyons cela comme une prise de risques non encadrée mettant un frein à développer leur autonomie et compétences.

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