Cruauté animale: Le propriétaire du SPCM accusé au criminel
Par nathalie-deraspe
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Accès a appris que le propriétaire du Service de protection canine des Monts a été formellement accusé de négligence criminelle à l’endroit d’un animal dont il avait la garde. Jean-Gilles Bélisle comparaîtra en cour le 21 juin prochain pour faire face à ces accusations.
Le 19 août 2010, Sylvie Duguay se rend au SPCM à la demande d’une amie pour sauver un animal de la mort. On lui présente un jeune Lhassa Apso de 3 ans, trouvé dans un fossé à Sainte-Marguerite 6 jours auparavant. Aussitôt sorti de sa cage, elle se rend compte que le chien a du mal à se mouvoir. La dame à l’accueil lui dit que l’animal ne mange pas beaucoup, ne fait aucune selle, urine rarement et reste couché. Elle défraie 60$ et quitte l’animalerie.
Benji est aussitôt conduit à l’Hôpital vétérinaire de Piedmont. Les radiographies indiquent que le chien a subi une triple fracture du bassin avec déplacement et un rétrécissement du canal pelvien. Ses blessures nécessitent une intervention chirurgicale. Les douleurs empêchaient l’animal de faire des selles. Le bas de son corps était couvert d’importantes ecchymoses et ses testicules étaient cramoisis et anormalement enflés. Le vétérinaire David Mance a indiqué que le chien était très souffrant et n’avait pas encore été ausculté. Compte tenu de son état lamentable, l’euthanasie était la seule solution.
Des confessions inquiétantes
Un ex-employé de longue date qui préfère garder l’anonymat n’est pas tendre à l’endroit de Jean-Gilles Bélisle. «Il n’a jamais eu de respect envers les animaux et n’a jamais été intéressé à offrir l’adoption. Pour lui, c’est l’argent qui compte.» Ce témoin affirme avoir vu jusqu’à 5 chiens dans une même cage. «Ça n’a pas été long qu’ils sont tombés malades. On a eu un jugement de la cour pour les faire euthanasier.»
Dans les fourrières, bon nombre d’animaux meurent faute d’avoir été adoptés à temps. Dans ce cas, les animalistes préfèrent utiliser le terme «tuer».
Au SPCM, deux congélateurs servent à récupérer les cadavres. Les animaux sont euthanasiés à même le local qui abrite les chiens et chats errants. Notre témoin affirme que pour éviter des frais, l’entreprise a obtenu un contrat avec un éboueur de Sainte-Adèle qui venait directement récupérer les carcasses d’animaux derrière le bâtiment. Celles-ci étaient déposées dans la benne à vidanges avec les ordures de la municipalité et aboutissaient au site d’enfouissement. Jean-Gilles Bélisle aurait mis fin à cette pratique après que la nouvelle ait été ébruitée.
«Je me suis fait manipuler», confie notre source. Aujourd’hui, l’homme est rongé par les remords. «Un jour, je devais tuer un chien. Je l’ai gardé plus que le temps réglementaire. Il me parlait dans son langage et me suppliait de ne pas le faire. Je ne comprenais pas. Je n’avais pas le choix. Je l’ai tué quand même. Aussitôt que j’ai passé la porte, le téléphone a sonné. C’était son propriétaire. Je m’en voudrai toute ma vie.»
Lundi, deux superviseures du SPCM ont accepté la visite d’Accès. Pour une première fois et en cachette des propriétaires, nous avions droit de scruter les lieux. Visiblement, les jeunes femmes font tout pour sauver les animaux. L’une d’elle s’est déjà rendue à Trois-Rivières de son propre chef et à ses frais pour conduire un chien à sa nouvelle demeure. «Faut que les villes cessent de payer pour l’euthanasie, clame Carole. C’est plus payant que l’adoption! On travaille pour faire changer les choses, mais ce n’est pas facile.»
Trop d’abandons
La fin de semaine dernière, trois jeunes bergers allemands ont été abandonnés à la pluie battante dans une cage sous un pont de Val-David. Au cours du même week-end, une chatte et ses 5 chatons ont été déposés devant la porte de l’animalerie. Il y a deux mois, un chat a été arrosé d’essence et incendié. Un passant l’a conduit en panique au SPCM.
«Il faut que ce soit réglementé, s’insurgent les superviseures. Il n’y a aucune conséquence pour les fautifs. Il n’y a aucun moyen de les retracer. On a même retrouvé un chien avec une flèche dans le corps. Un autre était pendu dans le bois. Des histoires d’horreur, on en a plein!»
Les deux jeunes femmes semblent dédiées à la cause des animaux. Mais pour l’instant, la réglementation et les contrats municipaux font en sorte que trop d’animaux meurent inutilement.
Les usines à chiots et les prétendus élevages familiaux amplifient la problématique. «Les anglophones adoptent, les francophones achètent et abandonnent», soutient Johanne Tassé, présidente du Centre d’adoption d’animaux de compagnie du Québec. Depuis sa fondation en 2008, le Centre a conduit près de 700 animaux en Ontario. Autant de chiens et de chats non désirés dans nos contrées.
La stérilisation est la solution, précise les superviseures du SPCM. Carole et Josée travaillent de concert avec l’organisme Paw for life, qui offre des familles d’accueil aux animaux délaissés. Dans la même semaine, l’animal est stérilisé.
Sur Internet, la vente va bon train. Et le problème se perpétue. Et le marché aux puces de Prévost pullule de revendeurs de chiens sans scrupule, indique une source. «On vend des chiens malades. Il y en a un qui avait le Parvo virus. Tu lui pesais sur le ventre et ça sortait à l’autre bout.»
Un fléau national
Le reportage télévisé sur le Berger blanc en a offusqué plus d’un. Pourtant, les animalistes de la région dénoncent des pratiques tout aussi contestables sinon plus dans les Laurentides. Louise Auger se bat depuis des années pour faire fermer L’inspecteur canin de Saint-Lin, qui opère depuis 17 ans. Elle est poursuivie pour avoir organisé une manifestation et fait signer une pétition. Plusieurs jugements ont été rendus contre l’entreprise.
Samedi, une manifestation a attiré une cinquantaine de personnes à Saint-Jérôme. Une seule demande : faire fermer les fourrières à but lucratif.
Le SPCM n’a toujours pas voulu commenter. Et que fait Anima Québec dans le dossier? «Nous, on les appelle Inanima Québec», lancent les activistes avec ironie.