Des citoyens alarmés
Par Rédaction
Les algues bleu-vert
Les algues bleues ont fait leur apparition dans notre vocabulaire québécois, il y a plus de 10 ans, à cause des cyanotoxines nocives pour la santé qu’elles produisent lors de leur floraison. Avec des gouvernements qui s’affichent pro-environnementaux, on pourrait croire que la situation est sous contrôle, mais ce n’est pas parce qu’on n’en entend plus parler que c’est fini!
En principe, la loi visant à renforcer la protection des ressources en eau, communément appelée « la Loi sur l’eau » confirme que les lacs et les rivières font partie du patrimoine de la collectivité et que l’État en est le gardien.
Or, au mois d’août dernier, une enquête du Journal de Québec révélait qu’au moins 200 lacs au Québec agonisaient à petit feu tandis que le ministère de l’Environnement n’inspectait qu’une dizaine de lacs par année, dans toute la province depuis trois ans, pour vérifier la présence d’algues bleu-vert.
Le gouvernement Legault s’était alors engagé à élaborer un programme de suivi plus assidu des lacs partout au Québec. Cette intention a-t-elle été abandonnée? Le cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, n’était pas en mesure de nous répondre sur cette question dans un délai d’une semaine.
« Dans la tempête médiatique de la pandémie, c’est assez facile de laisser tomber des initiatives comme celles-là », lance Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal, visiblement déçu de constater que les promesses de redémarrer un suivi pour la santé des lacs ne se concrétisent pas encore cette année.
Il faut savoir qu’avant de faire ses propres analyses de cyanobactéries, le ministère de l’Environnement demande que le lac réponde essentiellement à l’un des trois critères suivants : 1- Il est récréatif (plage publique) 2- Il est une source de prise d’eau potable par la municipalité (usine de filtration) 3- Le lac fait l’objet d’un signale-ment parce qu’il est infesté d’algues bleues.
Alors, pas besoin de creuser bien loin pour comprendre que la santé des nombreux petits lacs des Laurentides devient vite une responsabilité des propriétaires riverains qui en paient souvent la facture. Les risques pour la santé publique semblent balayés dans leur cour.
« Le ministère de l’Environnement fait vraiment le minimum actuellement. Les citoyens sont laissés à eux-mêmes », ajoute Sébastien Sauvé.
Quant aux municipalités, on peut dire que les interventions sont inégales. Peu ou pas imputables, elles se cantonnent dans leur responsabilité de : protéger les rives et les plaines inondables, d’assainir les rejets d’eaux usées municipales, de contrôler les systèmes de traitement d’eaux usées des résidences isolées ainsi que de produire et la distribuer de l’eau potable via l’aqueduc municipal, dans les endroits desservis.
Dans les faits, les citoyens les talonnent souvent pour assurer la survie de leurs lacs. L’énergie qu’ils déploient bénévolement dépasse parfois l’entendement.
Prenons l’exemple du Lac Millette
Depuis plusieurs années, la vigilance des riverains s’exerce de manière exemplaire autour du Lac Millette. Ces citoyens sont préoccupés par la gestion, la protection, la restauration et la mise en valeur du lac, de même que par la santé de ses baigneurs.
À partir de 2007 (premiers épisodes d’algues bleues au Québec), certains riverains se sont impliqués dans l’Association de protection de l’environnement du lac Millette (APELM). Parions qu’en achetant leur chalet au bord du lac, ces riverains n’avaient pas en tête de s’acheter des problèmes.
Depuis 2012, plusieurs épisodes de cyanobactéries s’y sont manifestés. Le cas est assez typique : 65 riverains et quelque 200 personnes (dont les membres du Country Club de Sainte-Adèle) se partagent l’accès au lac, peu profond, qui s’atrophie, petit à petit, comme une peau de chagrin.
« Notre lac a perdu 5 pieds de profondeur depuis 1931, selon la carte bathymétrique. Ce n’est pas normal ça! », explique avec véhémence Martin Bellerose, responsable des communications à l’APELM.
« Les lacs les plus à risque sont ceux comptant le plus d’habitations autour. Plus ils sont petits et peu profonds, plus ils sont à risque de dégradation aussi », explique Isabelle St-Germain, directrice – Projets et communications du CRE Laurentides.
À la suite d’un rapport du Conseil régional de l’environnement (CRE des Laurentides) en 2012 et du soutien technique de 2015, le Plan directeur du lac a donné des pistes de solutions. Le Plan directeur a notamment conduit à l’identification d’une quinzaine de sites d’érosion qui transportent des dépôts de sédiment causant l’envasement du lac. « L’apport de sédiments non naturel provenant des chemins municipaux et d’un ancien barrage public ayant cédé en 2 000 est en cause dans l’augmentation du taux de phosphore et la prolifération des cyanobactéries », indique Martin Bellerose.
Mais la ville de Sainte-Adèle a d’abord forcé les riverains à agir pour végétaliser leur terrain, sous peine d’amende. On a aussi exigé que les propriétaires refassent les fosses septiques à risque de catégorie 1 entraînant des coûts allant jusqu’à 20 000 $.
« La caractérisation des installations sanitaires et les tests de sol se font actuellement au rythme d’une centaine de lacs par année. On prévoit couvrir tout le territoire de Sainte-Adèle, selon le règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées du ministère de l’Environnement », explique Isabelle Roberge, technicienne à l’environnement à la Ville de Sainte-Adèle.
Les propriétaires ont fait leurs efforts, maintenant la balle est dans le camp de la Ville, selon l’APELM. Sur le volet des sites d’érosion, les citoyens concernés sont en attente d’un échéancier des travaux depuis trois ans.
« Le plan d’action qui découle des recommandations formulées dans le rapport Terres et Habitats commandé sous l’administration Brière en 2019 tarde à nous être communiqué. On ne sait pas encore quels travaux seront faits en 2020. On demande que la ville intervienne sur les trois sites prioritaires qu’elle nous a elle-même demandé d’identifier », souligne la présidente de l’APELM, Anik Dumouchel.
Interrogée sur la question des échéanciers, Isabelle Roberge, nous renvoie au Service des travaux publics : « La sédimentation est un problème partout sur le territoire. Travaux publics nous aide. Nous travaillons depuis plusieurs années à réduire l’apport de sédiments de rues publiques et de terrains privés », ajoute-t-elle du même souffle.
Chez Travaux publics, on rappelle aux citoyens concernés que les cours d’eau relèvent principalement du module Environnement du Service de l’urbanisme. Et ainsi va la vie.
Pourtant l’heure est grave, si l’on en croit le professeur Sébastien Sauvé, préoccupé par les résultats d’analyses de toxicité des floraisons d’algues bleues du lac Millette réalisés dans le cadre de la campagne citoyenne Adopte un lac. « Parmi les 50 lacs échantillonnés en septembre 2019, le lac Millette se positionne au premier rang et cela risque d’engendrer des irritations et des diarrhées autant chez les baigneurs que chez les amateurs d’activités nautiques sur l’eau. Évidemment, une ingestion de cette eau décuplerait les risques sur la santé (foie, rein, cancer), selon les normes reconnues mondialement », ajoute cet expert.
La municipalité a accepté de rembourser les frais d’analyse d’eau de 500$ effectué avec le Réseau de surveillance volontaire des lacs, concède Martin Bellerose, mais « à quand une réelle culture de protection de l’environnement à Sainte-Adèle et à l’échelle provinciale? », conclut-il.
2 commentaires
Evidemment il aurait fallu préciser à la une du journal que le problème est au lac Millette de Ste- Adèle et non de St-Sauveur…..
En effet, quelle erreur! Dommage, car l’article est très intéressant.