Des citoyens coincés dans une zone grise

Par nathalie-deraspe

Trois couples résidant à la frontière de Mille-Isles se battent depuis cinq ans pour être annexés à Saint-Sauveur. Leur demande est chaque fois rejetée du revers de la main et ce, même si leur sécurité en dépend.

Le cauchemar de ces citoyens a commencé dès la construction de leur résidence. Les camionneurs chargés de la livraison n’arrivaient pas à les situer géographiquement. Résultat, les nouveaux propriétaires ont dû payer quantité de frais supplémentaires pour recevoir leur cargaison de matériaux.

Même si officiellement, ils habitent Mille-Isles, ces derniers reçoivent leur compte de taxes via leur adresse postale de Saint-Sauveur. Cet imbroglio occasionne tout un casse-tête pour chacun des services auxquels ils font appel : Bell Canada, les compagnies d’assurances, les institutions financières, etc.

La route qui passe devant chez eux appartient à Saint-Sauveur. Celle de Mille-Isles s’arrête à une centaine de mètres de leurs résidences et aboutit en cul-de-sac. Ils demeurent donc introuvables par GPS. De plus, ils reçoivent tous leurs services de la ville de Saint-Sauveur.

L’hiver dernier, une tempête a provoqué des bris sur le réseau d’Hydro-Québec. Des arbres avaient abîmé un poteau et rendaient dangereux le transport d’électricité dans le secteur. Il a fallu attendre au lendemain avant que les équipes d’urgence n’arrivent sur place. Mais il y a pire. 

En 2007, la mère d’une des résidentes du secteur fait une chute alors qu’elle est en visite chez sa fille. Prise de panique, Jocelyne St-Laurent compose le 911. «On ne vous situe pas dans le réseau», se fait-elle répondre. Les services ambulanciers ont dû transférer l’appel à leurs homologues de Saint-Sauveur, qui ont pris le relais. Ce délai d’attente aurait pu être fatal. La dame de 89 ans était tellement mal en point qu’on l’a retournée chez elle par avion. Celle-ci n’a plus jamais mis les pieds chez sa fille, de peur qu’une situation semblable ne survienne à nouveau. Cette tragédie fait craindre le pire aux voisins. 

Maryline Lambert a questionné les services ambulanciers à savoir ce qu’il arriverait si elle était prise d’un malaise et que son fils de 9 ans serait appelé à agir. «Dans ce cas, on aurait bien du mal à vous trouver», lui a-t-on répondu. «Nous n’avons pas la pleine jouissance des lieux», soutient Mme Lambert. Avocate de formation, celle-ci déplore le fait qu’elle et ses voisins ne peuvent faire appel de la décision. Pourtant, le Guide de l’annexion est clair. «Les limites municipales ne sont pas statiques, mais obéissent aux besoins en constante évolution de la population. L’annexion permet le rattachement d’un territoire à la municipalité qui est la plus apte à desservir les citoyens.»

Un dossier politisé

Le maire de Saint-Sauveur est enclin à répondre favorablement à la demande de ces citoyens. Mais au cours des dernières années, Michel Lagacé s’est buté à l’entêtement de Mille-Isles. Le député d’Argenteuil, David Whissell est également intervenu dans le dossier. Dans une lettre datée du 30 mai 2008, le directeur de la Sûreté du Québec de la MRC d’Argenteuil, Patrick Després, confirme que son service de police est assigné aux appels d’urgence des résidents du secteur problématique. Une copie conforme du document est envoyée au député. Voulait-on faire taire les demandeurs? Le 8 juillet suivant, Patrick Després fait volte-face et annonce son incapacité à desservir ces citoyens et les réfère plutôt au poste de Saint-Sauveur. 

Le député de Bertrand, Claude Cousineau,  n’hésite pas à parler d’ingérence politique. Celui-ci a interpellé le nouveau ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, afin de solliciter une rencontre qui viserait à régler la question une fois pour toutes.

En poste depuis 14 mois, Yvon Samson, maire de Mille-Isles, s’est dit froissé de ne pas avoir été impliqué dans le dossier. «Les citoyens concernés ne sont même pas venus me voir», déplore-t-il. 

Yvon Samson soutient que les services de répartition des appels d’urgences lui ont assuré qu’ils étaient en mesure de répondre adéquatement à la demande de ces citoyens. «S’il y a eu une erreur, on va la corriger. Si c’est problématique, il faudra jongler», confesse-t-il. Le maire ajoute qu’il doit protéger l’intégrité territoriale de Mille-Isles. «On ne change pas une situation pour une simple particularité. Sinon, j’ouvre la porte à tout le monde.»

Pour les demandeurs d’annexion, tout est une question de gros sous. «David Whissell a dit dans un reportage de JE qu’on sauverait de 7 à 8 000$ de taxes par année. C’est faux!», dénonce Maryline Lambert. 

Le groupe de citoyens fonde bon espoir sur le ministre Lessard. Entretemps, impossible d’installer un anti-virus quand on habite au fond du chemin des Becs Scie ouest. Inlassablement, le système répond «wrong city», qu’on inscrive Mille-Isles ou Saint-Sauveur.

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