Des citoyens de Val-Davids’apprêtent à manifesterpour exiger sa fermeture
Par jean-marc
Le dossier de la carrière de Val-David a fait couler beaucoup d’encre depuis 1977. Malgré deux jugements et une entente entre la ville et l’exploitant, les camions continuent toujours de troubler la paix au village, au grand dam d’un comité de citoyens, qui prépare la réplique.
Le litige dans le dossier concerne principalement l’application de droits acquis. «J’étais tout petit et déjà je venais jouer dans le pit de sable avant d’aller me baigner», confie Paul Bouchard, propriétaire d’un fonds de terrain situé sur la Montée Gagnon à Val-David. C’était de coutume que de voir les gens du voisinage aller s’approvisionner en sable et personne ne s’en plaignait, ajoute-t-il.
Devenu ingénieur dans une cimenterie, Paul Bouchard demande à la municipalité «d’exploiter temporairement un dépôt de gravier». Dans une lettre adressée aux autorités municipales le 16 juin 1977, M. Bouchard, qui se présente comme conseiller d’une municipalité et responsable de l’urbanisme, explique qu’il «comprend très bien la réticence d’un conseil de ville au son même du mot carrière». Celui-ci demande toutefois que la municipalité accepte sa requête, compte tenu que le dépôt en question empêche la «construction éventuelle d’un ou plusieurs chalets en bordure du lac». «Il n’est pas question de creuser un trou qui ressemblerait à un champ de bataille, mais plutôt d’enlever un monticule qui est déjà désagréable à subir et à voir.» M. Bouchard ajoute qu’il profite de la quiétude des lieux depuis bientôt 40 ans, et qu’il tient à ce qu’il en soit ainsi «encore longtemps». Un immense cratère
Trente ans et des poussières plus tard, force est de constater que la quiétude en question a fait place aux vrombissements des douze roues, qui font l’aller-retour de la carrière au village du matin au soir. M. Bouchard continue d’affirmer qu’il veut égaliser le terrain en vue d’un développement résidentiel. Pour prouver sa bonne foi, celui-ci montre quelques pousses d’arbres plantées à même le sable. «Mais je ne verrai pas le développement domiciliaire de mon vivant, admet-il. Qui voudrait s’installer là où il n’y a pas un arbre mature?»
«Ce gars-là n’a jamais eu l’intention de faire un développement domiciliaire», s’insurge Jacques Proulx, résident de la Montée Gagnon depuis 28 ans. J’arrivais de Montréal pour la quiétude de la campagne, mais des fois, les camions passent tellement vite que la maison en tremble.»
En assemblée publique la semaine dernière, le maire Pierre Lapointe aurait affirmé que Paul Bouchard avait signé un protocole avec la ville, mais qu’il était libre ou non de le respecter, compte tenu de ses droits acquis.
Il existe bel et bien une entente, datant de 2003, qui indique les modalités d’exploitation, de restauration et de développement du site résidentiel dans lequel il est question du contrôle du nombre de camions, d’un échéance d’exploitation, de garanties d’exécution et d’indemnisation à la municipalité en cas de non-respect des clauses incluses dans le protocole. «La ville n’a qu’à déclarer outrage au tribunal», lance l’ex-conseiller municipal Jean-Guy Rousseau, qui accuse les élus de laxisme.
Recours collectif
«On attend un rapport d’une semaine à l’autre, se défend Suzanne Gohier, directrice des communications de Val-David. C’est là qu’on pourra savoir si les limites d’exploitation sont respectées et s’il reste encore du matériel à sortir de la carrière avant qu’elle ne soit restaurée.» Celle-ci concède que la ville ne peut imposer quelque itinéraire que ce soit à l’exploitant. «Sainte-Marguerite a déjà essayé et ça été un coup d’épée dans l’eau. On a consulté des avocats pour voir si on pouvait aller en injonction mais on perdrait non seulement notre temps mais aussi notre argent.»
Cela dit, la directrice des communications se dit consciente de l’exaspération des citoyens. «Le maire donnerait son appui au comité qui voudrait entamer un recours collectif mais ne pourrait peut-être pas pendre parti», nuance-t-elle.
«J’ai eu l’occasion de rencontrer M. Bouchard qui, en toute bonne foi, m’a informé qu’il n’avait aucunement l’intention d’exploiter une carrière, mais que pour construire un chemin de travers sur son terrain, il devait enlever une partie d’une butte de sable d’une hauteur de 25 pieds », mentionne un avis légal compris dans un document remis aux citoyens de Val-David en mai 2006.
Il nous a été impossible pour le moment d’obtenir la position du ministère du Développement durable, de l’environnement et des parcs dans ce dossier, mais une lettre recommandée datant du 18 mai 1978 stipule que l’exploitant a «entrepris l’exploitation d’une sablière sans l’obtention d’un certificat d’autorisation». Le comité des citoyens pour la sauvegarde de notre qualité de vie tiendra une manifestation le 28 juin à 10h30 en face de l’Hôtel de ville pour exiger la fermeture immédiate du site.Un projet de développement domiciliaire devrait voir le jour à Val-Morin sous peu. La trentaine de maisons de prestige envisagées seraient situées entre la piste cyclable et le parc régional Val-David/Val-Morin. En extrayant du sable et du gravier près de là, on pourrait obtenir un beau lac artificiel, ont souligné les promoteurs.
«Effectivement, ce lac pourrait devenir une zone tampon entre les milieux humides, ce qui pourrait aider à réduire les inondations», a soutenu le maire Jacques Brien, qui a aussitôt précisé qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et qu’un projet du genre aurait toute une série d’étapes à franchir avant d’obtenir l’aval de la municipalité. Mais selon le conseiller en environnement Roger Tessier, «il y a un potentiel assez élevé de contamination par les étangs d’aération de Val-David, compte tenu de leur proximité et de la dénivellation naturelle du paysage avoisinant». L’élu prétend pour sa part qu’il n’est pas du genre à «sauter sur le premier venu» et «qu’il n’y a pas un montant de taxes qui justifie des projets non conformes.» Voulant se faire rassurant, le maire a toutefois admis qu’un important projet était présentement sur la table et que sa réalisation impliquerait de «gruger une montagne». «Regardez ce que fais le centre de location Lou-Tec, au vu et au su de tout le monde et personne n’intervient», défend Jacques Brien.
Le projet domiciliaire situé aux abords de la piste cyclable est l’idée des promoteurs Gelco, Thisdele & Monette. L’entrée du domaine est prévue à partir du Lac Casgrain et longera le parc Val-David/Val-Morin. «Ce projet-là représente des revenus de taxes intéressants et paiera peut-être à lui seul notre portion du parc.» a insisté le maire, qui a affirmé que l’expropriation des terres comprises entre la piste cyclable et le parc aurait coûté de 3 à 4 M$ de plus à ses contribuables.