Des voix s’élèvent contre le projet du Havre de Val-David
Par nathalie-deraspe
Plusieurs aînés de Val-David dénoncent le projet de résidence pour personnes âgées prévu dans leur municipalité. Plus de 80 d’entre eux s’y sont déjà opposé par le biais d’un sondage réalisé au cours des dernières semaines.
Louise Meunier le dit d’emblée : «Je suis tannée de passer pour la chialeuse du village. Mais ça me choque quand j’entends tout le monde autour de moi dire que ce projet de résidence-là n’a pas de bon sens. C’est comme changer quatre 30 sous pour une piastre.»
Rappelons les faits. En octobre dernier, la municipalité de Val-David entérinait un projet de résidence pour personnes âgées d’une vingtaine de logements mis de l’avant par l’organisme à but non lucratif Le Havre de Val-David. Le projet s’inscrivait dans le volet II du programme AccèsLogis de la Société d’habitation du Québec (SHQ) et correspondait, selon les élus, à un besoin pressant de la population. En plus de fournir le terrain, la municipalité s’est engagée à débourser 460 000$ des 2 988 000$ nécessaires à l’aboutissement du projet. Le dossier a été déposé à Québec le 22 avril après deux rencontres d’information et une soixantaine de demandes favorables, une condition sine qua non à l’avancement du projet.
Un projet inutile?
Plusieurs aînés déplorent ne pas avoir été consultés et indiquent avoir été poussés à signer en faveur de la nouvelle construction, y compris lors du paiement de leurs taxes. «Ça ne vous engage à rien», nous disaient-ils.
Yolande Duchesne, 81 ans, reçoit les félicitations de tout un chacun depuis qu’elle a osé exprimer sa position dans le journal communautaire du village. «Souvent à notre âge, notre maison est payée. Pensez-vous que je vais accepter un loyer exorbitant (915$ pour un 4 et demi non chauffé) sans salle à manger, salle de loisirs ou bibliothèque?»
«On ne veut pas de luxe, renchérit Murielle Roy. Oubliez la piscine creusée, mais ça nous prend un minimum de services.» Pour l’heure, on ne prévoit que des gicleurs et un ascenseur. «Moi je suis une femme bionique, ajoute Lise Béland, 79 ans. J’ai un genou, une hanche et quatre orteils artificiels. J’ai eu un cancer du sein. Je veux rester dans ma maison pour le moment, mais je ne me fais plus à manger. Au lieu des 3 et demi et 4 et demi, faudrait de grandes chambres et un service de repas.»
Le volet II du programme AccèsLogis est pourtant clair. De concert avec les groupes locaux, l’organisme responsable du projet doit définir la nature des services à offrir (repas, maintien à domicile, entretien ménager, etc) pour répondre aux besoins de la clientèle visée (les 75 ans et plus ou les aînés éprouvant des problèmes d’autonomie). À tout le moins, un service d’animation et d’alimentation de base doit être prévu (au moins 5 repas par semaine).
Un sondage révélateur
Hélène Meunier a entrepris de sonder son entourage. À sa grande surprise, la majorité des gens rencontrés exigeaient un endroit avec services. «Les Dufresne, fondateurs du village, auraient peut-être aimé rester à Val-David s’ils avaient pu. Yvette Laporte a passé 40 ans ici et est morte deux mois après avoir été obligée d’aller habiter en résidence à Laval parce qu’il n’y avait rien à Val-David pour répondre à ses besoins.»
La mairesse Nicole Davidson estime qu’il est impossible de fournir tous les services avec seulement 20 logements, dont la moitié pourraient être dédiés aux personnes à faible revenu. «Les gens n’auront pas à déneiger ou à tondre la pelouse», affirme-t-elle en guise d’explication. Pour l’instant, les aînés rencontrés sont inquiets et se demandent où ils aboutiront quand ils ne seront plus en mesure de préparer les repas. Les premiers résidents du Havre de Val-David devraient quant à eux emménager d’ici l’automne 2011.