Le futur casino de Tremblant
LE JUSTICIER DE L’ÉCONOMIE
Accès inaugure en grande pompe une nouvelle chronique: le justicier de l’économie. Oubliez les formules toutes faites de la gauche et de la droite, Accès vous offre la vérité, rien que la vérité. Une vérité totalement subjective et pleine de parti pris.
Stéphane Desjardins, ex-rédacteur en chef d’Accès et rédacteur en chef du mensuel Finance et Investissement, livre sa science et fera le lien entre l’économie locale et planétaire. Il promet de révéler s’il possède des actions des compagnies qu’il descendra en flammes ou portera aux nues dans cette chronique destinée à remettre les pendules à l’heure. Il n’avait qu’une seule exigence envers son rédac’ chef: ne jamais parler des Canadiens de Montréal!
C’est maintenant officiel: il y aura un casino à Tremblant. La grande hypocrisie étatique étend sa toile jusque dans les Laurentides. Quand j’étais rédac’chef de ce journal, il y a dix ans, on réclamait déjà un casino dans cette station touristique embryonnaire qu’était Tremblant. Intrawest avait déjà annoncé l’investissement d’un autre milliard de dollars, dans ce qui était alors un chantier de construction de 500M$ déjà lancé à grande vitesse. Il a donc fallu une décennie pour Québec consente enfin à installer une maison de jeu en lieu et place du Ludoplex, un concept dont personne ne prédisait un grand succès sur les flancs de la montagne Tremblante.
Québec et les promoteurs locaux du casino de Tremblant affirment que la maison de jeu permettra d’attirer des touristes dans la région. On va se dire tout de suite les vraies affaires: ou bien ils mentent, ou bien ils prennent leurs rêves pour la réalité. Partout en Amérique du Nord, à l’exception de Las Vegas et, dans une moindre mesure, Atlanta, les casinos attirent une minorité de touristes. Quant aux touristes internationaux, ils représentent une infime part du chiffre d’affaires d’établissements qui comptent, avant tout, sur une clientèle locale et régionale. Dans son dernier rapport annuel, Loto Québec admet que l’offre des casinos augmente à l’échelle nord-américaine et que ses casinos de Gatineau et de Montréal ont vu leurs profits baisser. Mais on ajoute une quatrième maison de jeu! Au Québec, les casinos de Montréal, du lac Leamy à Gatineau ou de la Pointe-au-Pic à La Malbaie vivent donc grâce aux dollars prélevés dans les poches des Québécois. Et à quel prix…
À quoi ça sert un casino, à part vider les poches de ses clients en leur procurant du rêve? À blanchir l’argent de la pègre, à enlever une grande part des revenus d’organismes de bienfaisance, à détruire la vie de milliers de gens pour remplir les coffres de l’État. À chaque année, le nombre de victimes augmente. Les journalistes doivent se battre jusqu’au sang pour obtenir la moindre donnée qui vient confirmer l’hécatombe sociale.
Du point de vue économique, l’instauration d’un casino est une bonne chose. On crée des emplois stables et relativement bien payés, compte tenu que le secteur de l’hôtellerie et de la restauration n’est pas reconnu pour ses hauts salaires et sa sécurité d’emploi. Les fournisseurs locaux en ont aussi pour leur argent. Les municipalités récoltent des taxes. Du point de vue macroéconomique, c’est moins reluisant. Car l’argent canalisé au casino n’est pas dépensé ailleurs dans l’économie locale ou québécoise. Et la misère des victimes du jeu pathologique a un prix: des familles détrui-tes, des carrières annihilées, des entreprises dissoutes ou vendues, des fonds de retraite vidés, des vols pour financer une passion devenue maladive… Toutes ces choses viennent enlever à la société des gens qui génèrent de la richesse et font rouler l’économie. Et les victimes finiront par alourdir la facture des programmes sociaux. Mais les politiciens s’en balancent. Car la province est affamée de capitaux. Elle croule sous ses responsabilités. Elle s’en fout de sacrifier quelques dizaines de milliers de personnes pour financer les hôpitaux, les soins à domiciles, les CHLD, les écoles, les universités, les routes, les infrastructures qui s’usent, etc. Car les victimes du jeu pathologique ne font pas le poids devant le profit de 758,2M$ réalisé en 2007 (0% d’augmentation comparativement à 2006).
Ils sont nombreux, dans la région de Tremblant, à craindre pour la santé mentale des membres de leur famille. Ils ont raison. Que le maire de Tremblant, les députés locaux et tous les décideurs de la région se le tiennent pour dit: les quelques centaines d’emplois créés au casino de Trem-blant ne compenseront pas pour la misère des centaines de victimes du jeu pathologique que la maison de jeu créera dès son ouverture. Ces gens seront sous votre responsabilité. Que les promoteurs de ce projet se le tiennent pour dit: ce sera vous les responsables de toute cette misère.