Pot problèmes

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X

par Jean-Claude Tremblay
jctremblayinc@gmail.com
 
J’avoue, j’ai d’abord voulu parler du sujet avec légèreté et humour, et faire des blagues du genre « pot pot pot que désirez-vous, la société du cannabis est là pour vous ! », ou quelque chose de semblable. Puis je me suis vite rendu compte que j’étais incapable de jouer la comédie dans une décision qui allait cautionner, faciliter et promouvoir l’activité de s’éclater la tête et de se détruire la santé, à des fins purement « récréatives », comme si c’était une prérogative. Ça ne s’inscrit pas dans mes valeurs, et bien que je n’aie aucun jugement à porter sur les utilisateurs, j’en ai cependant long à dire sur leur nouveau « pusher », que j’alimente grassement avec les taxes de mon dur labeur.

Le pot y’a rien là, réveille-toi « man » !

OK Cheech & Chong, je l’ai souvent lu et entendu, accompagné d’arguments en fausses briques du genre « l’alcool et les médicaments c’est pire », ou encore « ça existe déjà pis les jeunes en trouvent pareil ». Je lisais sur le site du Centre d’aide de l’Université Laval qu’un joint « contient un taux de goudron correspondant à quatre ou cinq cigarettes qui, lorsqu’inhalé, endommage les poumons et les voies respiratoires.» Une substance qui soulage un cancer qu’elle peut te donner, y’a pas « rien là », et je suis outré que l’État puisse le cautionner, et de l’autre côté, combattre vigoureusement les injections de vitamine C.
C’est une question morale pour certains, mais c’est surtout une question de valeurs sociétales et de santé publique. Avez-vous entendu le président de la SAQ/SQDC Alain Brunet à l’émission Deux hommes en or, s’exprimer au sujet du marché noir que cette inconsciente loi fédérale est censée éradiquer ? « D’ici quelques années on devrait prendre 30 % de leurs parts de marché », a-t-il déclaré. 30 %. Tristement risible. Je ne le blâme pas le pauvre, rappelons que cette décision fédérale du gouvernement Trudeau est imposée aux provinces, qui doivent en retour se démener seules avec les conséquences – assez totalitaire pour un pays ô démocratique.

Une plante vieille comme le monde

J’ai beau ne pas être en accord avec une décision qui ne favorise pas l’émancipation naturelle de l’être humain, je ne suis pas dupe pour autant – ça a toujours existé. Des études suggèrent que la naissance du chanvre remonterait à la préhistoire, il y a environ 11 500 ans. Des traces de l’utilisation par l’homme auraient été trouvées en Asie, lors de la révolution agricole néolithique, quelque 8 000 ans avant J.-C., ce n’est donc pas nouveau. Mais cette matière qui jadis servait surtout au textile n’évolue pas dans le même contexte aujourd’hui, où l’Homme cherche la fuite à tout prix.
Entre le sucre, les électroniques, les médicaments, la pornographie, l’alcool et le reste, qui aide l’Homo sapiens à gérer artificiellement son stress, ce cocktail potentiellement schizophrénique, aurait pu rester quelques années de plus dans l’arrière-boutique. Je ne nierai jamais son existence et ne crois pas à la prohibition, mais je vais toujours questionner son accessibilité et sa raison. Traitez-moi d’étapiste, mais entre ouvrir des points de vente comme si on faisait le simple commerce de légumes, et mettre les gens en prison avec des dossiers criminels, il me semble qu’on a sauté une couple d’étapes.

Est-ce la fin du monde ?

Non. Il y aura une période de bordel intense, vraiment intense, mais ça passera. En fait, la légalisation s’apparentera au fameux bogue de l’an 2 000, où l’on croyait que le monde allait s’écrouler. Sauf que dans ce cas-ci… nous avons franchi une autre étape, celle où l’État canadien, drapé de vertu et au nom de la « sécurité », exacerbe une pratique autodestructrice existante, mais qui prenait place dans l’ombre. Décriminaliser aurait été la première étape logique, sans se précipiter, c’est aussi l’avis d’à peu près tous les médecins, dont plusieurs craignent les effets pervers de cette décision égoïstement électoraliste.
Le chroniqueur Mathieu Bock-Côté a déjà dit : « Ce professeur d’art dramatique au nom de famille célèbre devenu premier ministre à cause d’un concours de circonstances, confond souvent la vie publique avec une pièce de théâtre. » Le problème est que dans sa pièce de théâtre improvisée, des gens souffrent pour vrai, et que son manque de substance et sa vacuité intellectuelle auront de graves conséquences, surtout chez les plus vulnérables.
Trêve de doléances, il est trop tard. « Pot problèmes », vous dira votre conseiller en pétards, choisissez la pastille de goût qui fonctionnera le mieux pour geler votre mal de vivre, dans cette société où l’on préfère valoriser le cannabis et son THC, que d’encourager l’humain à embrasser sa réalité dans la sobriété.

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