Éditorial : Les priorités changent
L’environnement ne sera pas la priorité de cette campagne électorale. C’est ce que révèle les réponses des Canadiens à la Boussole électorale de Radio-Canada (quoiqu’on s’en doutait déjà). En 2021, l’environnement était l’enjeu qui préoccupait le plus les Canadiens. Cette année, il arrive en 8e position.
Ce sont plutôt les relations canado-américaines, l’économie et le coût de la vie qui préoccupent d’abord les électeurs. Il faut dire que la guerre tarifaire déclenchée par Trump, et l’incertitude économique qui l’accompagne, prennent tout l’espace médiatique (et, en bonne partie, avec raison). Après tout, le président américain a même remis en question la souveraineté de notre pays. La menace est réelle et imminente.
La menace des changements climatiques aussi est réelle. Mais elle est plus abstraite et éloignée. Par contre, si on la met de côté, elle va nous rattraper, et plus tôt que tard.
Promesses déçues
Les minces progrès faits ces dernières années semblent s’être volatilisés subitement. Les États-Unis ont (encore) quitté l’Accord de Paris sur le climat. La taxe carbone, mesure phare du gouvernement Trudeau et de sa stratégie environnementale, a été abolie sitôt Mark Carney arrivé au pouvoir. La mesure était devenue trop polarisante, grâce aux attaques répétées de Pierre Poilievre. Et des projets de pipeline qu’on croyait morts et enterrés ressortent de terre, présentés comme une solution à notre dépendance américaine.
Au Québec, l’avenir prometteur que laissait entrevoir l’électrification des transports s’est révélé être un mirage. Les investissements du gouvernement provincial dans Northvolt sont partis en fumée. Ici, à Saint-Jérôme, Lion électrique n’est plus que l’ombre d’elle-même : en faillite, des centaines d’emplois coupés, des millions de dollars d’argent public disparus. Ce qui devait être une fierté régionale, voire nationale, et devenir le moteur économique de demain, est plutôt devenu un échec, un trou béant, où ont disparu dollars et espoirs.
Après, comment peut-on garder espoir qu’on réussira à s’affranchir de notre dépendance au pétrole ? Disons qu’à ce niveau-là, acheter local ne m’enchante guère. Comment peut-on croire qu’un jour, on pourra se débarrasser de notre voiture, ici dans les Laurentides ? Alors que Québec attend toujours son tramway, et que Montréal n’arrive plus à entretenir son métro.
Actions locales
Au moins, nos élus locaux apportent une lueur d’espoir avec leurs actions. Des petits gestes peuvent servir d’exemple et faire boule de neige, comme Saint-Sauveur qui a banni les plastiques à usage unique, ou Prévost qui a mis une redevance sur les contenants à usage unique et instauré un système de contenants réutilisables.
Cette semaine, les municipalités s’engagent, ensemble, à protéger la rivière du Nord et à améliorer la qualité de son eau. À entendre les élus, ils comptent bien s’y mouiller bientôt, et souhaitent même faire de la rivière une route bleue. C’est le résultat d’années d’efforts pour mettre à jour les infrastructures qui traitent nos eaux usées, et en séparer les eaux pluviales.
La gestion des matières résiduelles n’est pas le sujet le plus sexy, mais l’attention qu’y donnent nos élus commence à porter fruit. La collecte sélective, qui sépare les déchets, le recyclage et le compost, permet de donner une deuxième vie à une part toujours plus grande de nos rebuts, comme l’indique mon collègue Alec Brideau dans son article. Et les écocentres permettent de revaloriser et de réutiliser tout plein d’objets et de matières.
De plus en plus de nos municipalités travaillent aussi activement à protéger les espaces verts de leur territoire et à en reconnaître la valeur et la richesse. Elles sont également nombreuses à favoriser ou encourager le transport actif. Elles veulent créer des milieux de vie sains, donner accès à la nature à leurs citoyens, et prévoir pour les générations futures.
Mobilisation citoyenne
Mais en fin de compte, ce sont d’abord les citoyens qui ramènent, encore et toujours, l’environnement à l’ordre du jour. Rares sont les séances des conseils municipaux où ils ne sont pas présents, pour dénoncer des coupes d’arbres qui dénaturent leur quartier, pour s’inquiéter de l’avenir de leurs sentiers, ou pour réclamer une meilleure protection de leurs plans d’eau.
Les citoyens exigent davantage de leurs élus. Ils veulent conserver ce qui rend les Laurentides uniques, et que leurs enfants en profitent aussi, à leur tour.
Si mobiliser le monde autour d’une cause commune semble impossible, peut-être est-il possible de mobiliser vos voisins et votre quartier ? Et après, pourquoi pas votre municipalité ? C’est ici que doit commencer le changement.