Elle et Lui
Par Mimi Legault
CHRONIQUE
Remarquez bien le L majuscule dans le titre, il est voulu. Je vous présente Elle et Lui, deux personnes dans la vingtaine. Elle travaillait au magasin général de sa mère adoptive, Mathilde. Fut adoptée dès sa naissance par sa tante célibataire, une vieille fille que l’on disait dans le temps. Pourquoi ? Parce que son frère Pascal (et papa de Elle) déjà père de huit enfants devint veuf lorsque sa femme Caroline donna naissance à Elle et décéda sur-le-champ au bout de son sang. Il ne savait qu’en faire de ce nouveau-né ! Mais comme sa sœur Mathilde avait toujours rêvé d’avoir un enfant, elle s’offrit pour l’adoption. Même pas de papiers signés genre, prends-la, je te la donne. Et la petite Elle grandit heureuse, aimée dans un milieu aisé, mais seule sans connaître ses nombreux frères et sœurs en croyant que son père était décédé très jeune. Il fallait sauver la face…
De son côté, Lui appartenait à une famille de l’Ontario. Devenu orphelin de père dès l’âge de 12 ans, sa mère le plaça lui et son frère dans un pensionnat à Montréal où il fit son cours classique.
Le premier amour sérieux de Elle se prénommait Maurice, ils se fréquentèrent quelques mois et se fiancèrent. Mathilde questionnait souvent Elle : l’aimes-tu vraiment ? Crois-tu être heureuse toute ta vie avec Maurice ? Elle lui répondait oui, mais au fond d’elle-même, elle se demandait c’était quoi le véritable amour. « On n’essaie pas d’aimer, on aime ou on n’aime pas » (M. Chevrier).
Vous croyez qu’à ce stade-ci, le récit se terminera comme : ils se marièrent et furent très heureux ? Eh bien, non, l’histoire ne s’arrête pas là. Bien au contraire, elle débute. Lui décida de venir passer quelques jours chez son oncle, dans le patelin de Elle. Il entra un jour dans le magasin général où il l’aperçut. Elle aussi remarqua ce beau grand noiraud, sûr de lui, qui décida qu’il avait besoin d’achats quotidiennement précisément où Elle travaillait. Le coup de foudre ! « L’Amour ça ne klaxonne pas avant d’entrer. Ça se pointe, ça s’impose, ça force les barrages ! » ( K. Pancol).
Deux jours plus tard, sachant qu’Elle jouait très bien au tennis, Lui l’invita à jouer une partie. Et pour faire son fanfaron, Lui l’invita à aller la reconduire dans la rutilante auto que son oncle possédait sans, bien sûr, signifier à sa douce que la voiture ne lui appartenait pas. Très malheureusement, ils eurent un accident, un face à face. Sérieusement blessée, Elle passa six mois à l’hôpital.
Ce fut un scandale dans la petite ville où Elle habitait. Imaginez ! Fiancée, elle avait accepté de monter en voiture avec un presque inconnu. Et la double peine que Maurice ressentit ! Il allait tous les soirs la visiter avec un immense bouquet de fleurs. Caché non loin de la chambre d’hôpital, Lui arrivait tenant dans ses mains deux, trois pissenlits et peut-être une marguerite presque fanée. Elle s’empressait alors de les déposer dans un verre d’eau pendant que le gros bouquet prenant le bord de la porte. Au bout de quelques jours et de plusieurs larmes versées par le fiancé, Elle mit fin à ses fiançailles.
À partir de ce jour, Elle et Lui ne se quittèrent plus. Là c’est vrai : ils se marièrent, eurent des enfants et furent heureux pendant presque 50 ans. « L’Amour se niche aussi dans les rides » (Platon). Oh il y eut des hauts et des bas, des reculs et des rebondissements, mais ils savaient que dans leur recette de la vie à deux, l’Amour était leur assaisonnement préféré. Le coup de foudre existe, croyez-moi. « En amour, méfiez-vous des coups de foudre si votre raison ne possède pas de paratonnerre ! » (Sim).
Hommage à mes parents Céleste et Roméo.