Enfouissement illégal d’un étang à Sainte-Adèle
Par pierre-schneider
Le promoteur s’en tire avec une amende de 500$
«Derrière chez-nous il y a un étang/Trois beaux canards y vont nageant». Qui ne se souvient de V’la le bon vent, cette vieille chanson traditionnelle française fredonnée par des générations de Québécois? À Sainte-Adèle, un grand étang où canards et grenouilles vivaient en paix a été complètement enfoui par des promoteurs avides, un délit écologique que dénonce avec indignation l’ex-champion automobile Richard Spénard. -Par Pierre Schneider
Cette invraisemblable histoire commence à la fin de l’automne 2011 lorsque l’ancien coureur automobile et administrateur de Plein Air Sainte-Adèle fait la randonnée pédestre dont il a coutume dans le bois aux confins du Lac Long, au Domaine Deauville où il possède une grande terre.
«J’ai été extrêmement surpris et bouleversé de constater qu’un étang sur lequel j’ai passé en ski de fond l’hiver dernier n’existait plus! Disparu!», écrit le promoteur d’activités de plein air, le 5 décembre 2011 à la préposée à l’Environnement de Sainte-Adèle, Isabel Roberge.
L’étang en question que connaissaient bien Spénard et ses amis avait une surface variant entre 10 000 à 20 000 pieds carrés – ce qui n’est pas peu dire – et une profondeur de plusieurs pieds d’eau. Bordé de magnifiques arbres, il était le berceau de nombreux animaux, dont des grenouilles et des ouaouarons dont on pouvait entendre les coassements et cris rauques, ainsi que de magnifiques canards, explique le célèbre sportif qui accuse un promoteur immobilier de l’avoir fait enfouir afin de donner plus de valeur à un terrain avec vue sur le lac Long. Par la suite, l’homme qui ne pratique plus que des sports sans moteur, apprend que le terrain appartient à l’entreprise Construction J.S.D. de Trois-Rivières Inc., mais que le seul accès pour s’y rendre est le chemin ouvert par le promoteur voisin, Martin Verronneau, propriétaire de la compagnie Les Développements Béarence Inc..
Deux promoteurs et une disparition
Isabel Roberge confirme que ses services ont constaté les dégâts le 28 novembre, à la suite de la plainte d’un autre voisin, M. Sangiovanni, et on a pu conclure que les travaux de remplissage avaient été effectués au cours de l’été, alors que les camions d’excavation Richer s’activaient à ouvrir des chemins aux alentours.
«Les responsables n’ont reçu aucune autorisation de la Ville et ces travaux sont illégaux», écrit-elle à Richard Spénard. Elle promet que la Ville entamera des poursuites et que le dossier sera immédiatement transféré au ministère de l’Environnement du Québec pour une action plus musclée.
Lors d’une visite sur les leiux du méfait le 1er septembre dernier, M. Spénard explique que le terrain où se trouvait l’étang mystérieusement disparu appartient à Simon Dubé, de Terrebonne, et que ce dernier, ainsi que M. Verronneau avaient dû comparaître durant deux jours à la cour municipale de Sainte-Adèle pour expliquer l’inexplicable.
Preuve insuffisante!
À la suite de la preuve présentée devant le juge (témoignages d’un voisin, Roberto Sangiovanni ainsi que la préposée à l’Environnement de la ville, Isabel Roberge), le juge a statué que le défendeur Martin Verronneau avait effectivement effectué un remblayage illégal.
«La preuve le démontre hors de tout doute raisonnable», écrit-il dans son jugement avant de condamner la compagnie de Martin Verronneau à l’amende maximale prévue par le règlement, soit 500$.
Spénard et son voisin sont sortis de la cour extrêmement frustrés et, encore aujourd’hui, ils n’arrivent pas à comprendre comment le véritable propriétaire d’une terre, soit Simon Dubé, ne soit pas condamné pour un acte illégal commis sur le territoire naturel dont il avait la garde.
Ce dernier, ou sa compagnie Construction J.S.D. de Trois-Rivières Inc., ont en effet été acquitté le 4 juin dernier, faute de preuves.
Tenace et déterminé comme un champion, Richard Spénard a par la suite poursuivi ses démarches auprès du ministère de l’Environnement où l’on constate, dans un échange de plusieurs courriels, que le fonctionnaire qui a hérité du dossier, Steeve Lachance, ne s’est jamais rendu sur les lieux et a sans cesse remis les interventions du ministère dans cette affaire peu banale.
Au nom des résidents du Domaine Deauville, Richard Spénard revient régulièrement à la charge auprès des autorités, mais les réponses demeurent d’un laconisme déconcertant.
«Il ne me reste plus qu’à alerter les médias pour dénoncer ce scandale épouvantable et voir à ce que de tels comportements barbares ne se reproduisent plus», a conclu le grand amoureux de la nature.
Peut-on détruire un étang et ses beaux canards pour seulement 500$? Il semble que oui. De quoi faire rigoler tous les promoteurs et spéculateurs avides de ce monde.
Le ministère donne sa version
Après de nombreux appels et courriels au ministère de l’Environnement, où le dossier est passé des mains de Steeve Lachance, à celles de Lucie Tétreault pour se retrouver sur le bureau du directeur-
adjoint, Alain Rochon, le dossier ne semble pas plus avancé.
M. Rochon affirme que, selon un jugement rendu par la Cour d’Appel du Québec dans l’Affaire Rosa Nova, à Laval, toute construction résidentielle relevait strictement de la Ville et que le ministère n’avait aucun pouvoir d’y appliquer ses normes, n’ayant aucune juridiction.
Le message lancé serait-il donc que les promoteurs peuvent saccager la nature en paix?