Le lieu d’enfouissement technique de Sainte-Sophie opère depuis les années 1960.

Vol au-dessus d’un site d’enfouissement

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

La gestion des matières résiduelles est l’une des responsabilités des gouvernements municipaux (ou de leur MRC). Mais ce sont des entreprises privées qui traitent ces matières une fois qu’elles ont quitté votre propriété. Cette semaine, coup d’œil sur le site d’enfouissement technique de Sainte-Sophie, avec Martin Dussault, directeur des Affaires
publiques pour Waste Management.

Avant même que le camion à ordures vienne cueillir vos déchets, il y a un long processus. Ouvrir un site d’enfouissement est plus complexe que simplement creuser un trou. « Tout le processus environnemental peut prendre de 3 à 5 ans. Avant d’aménager le lieu d’enfouissement, il faut fournir une panoplie d’analyses environnementales sur la qualité du sol, la profondeur de la nappe phréatique, les espèces fauniques, la qualité de l’eau sous-terraine et de surface… »

Une fois que les documents sont fournis, que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a remis son rapport et que le gouvernement a donné son approbation, le travail peut commencer.

Cellules étanches

Le lieu d’enfouissement est divisé en cellules. On creuse le sol et sur l’argile déjà imperméable, on pose une natte bentonitique. « C’est la première barrière du site. Si jamais une tige de métal, par exemple, parvenait jusqu’au fond et qu’avec la pression et le poids, elle perforait la membrane, la natte vient se colmater elle-même. Lorsque la natte vient en contact avec de l’eau, elle se gonfle de plusieurs fois son volume. »

C’est toutefois très improbable, puisque des couches de membranes géosynthétiques s’ajoutent par-dessus. Celles-ci sont faites de polymères et sont imperméables, résistantes et souples, pour épouser les formes de la cellule. Enfin, une couche de pierre nette de 1 mètre s’ajoute, pour créer un coussin et laisser l’eau passer.

La cellule est creusée avec une pente de 2 %, et les eaux qui percolent à travers les déchets sont drainées au fond de la cellule. Ces eaux contaminées, appelées lixiviat, doivent être traitées.

Lixiviat

C’est le nom de l’eau contaminée par son ruissellement à travers les déchets. Elle est chargée de matière organique et doit être traitée. Elle peut être filtrée par une unité de traitement sophistiquée. À Sainte-Sophie, un projet unique utilise le lixiviat pour irriguer 160 000 saules, qui transpirent de l’eau dans l’atmosphère, capturent du CO2 en grandissant et sont récoltés pour faire des murs antibruit, des clôtures ou du paillis de jardin.

Des tranchées sont aussi aménagées pour récolter les biogaz émis par la putréfaction des déchets.

Une fois la cellule prête, l’enfouissement peut commencer.

Biogaz

La décomposition des déchets produit du méthane (CH4) et du gaz carbonique (CO2) à parts égales, et des traces de quelques autres gaz. Le méthane est récolté, compressé et envoyé par un pipeline pour alimenter la papeterie Rolland, à Saint-Jérôme. Pour l’instant, l’excédent de méthane est incinéré, mais des projets sont évalués pour revaloriser la totalité des biogaz.

L’enfouissement

Lorsque le camion à ordures est plein, il se dirige vers le site d’enfouissement. Pour toute la MRC de La Rivière-du-Nord et six municipalités de la MRC des Pays-d’en-Haut, il va à Sainte-Sophie. Pour Lac-des-Seize-Îles, Saint-Adolphe-d’Howard, Morin-Heights et Wentworth-Nord, il va plutôt au site de Lachute.

En arrivant, le camion est pesé et le type de matière, leur provenance et leur poids est enregistré. Des vérifications aléatoires sont aussi faites, pour éviter que des matières inadmissibles (biomédicales, radioactives, liquides, etc.) se retrouvent enfouies.

Le camion se dirige ensuite au « front de déchets », là où l’action se passe. Il y déverse son contenu, et un bélier mécanique pousse les matières au bon endroit. Un compacteur passe ensuite 3-4 fois sur les déchets pour qu’ils prennent le moins d’espace possible.

À la fin de chaque journée, les déchets sont recouverts d’une couche de terre, pour éviter les odeurs, que les matières légères s’envolent (comme le papier), et que les animaux viennent. Le lendemain, on recommence.

Surveillance

Durant ses années d’opération, le lieu d’enfouissement est constamment monitoré pour éviter les impacts environnementaux. Par exemple, l’eau de la nappe phréatique est analysée à intervalle régulière, en amont et en aval, pour s’assurer que le lixiviat n’est pas relâché dans l’environnement. Un Comité de vigilance a aussi été formé, pour permettre aux citoyens de suivre les opérations du site et de faire des propositions.

Un fauconnier travaille même à temps plein sur le site, pour effrayer les goélands qui cherchent leur subsistance dans les rébus.

Fermeture

Lorsqu’une cellule est pleine, on la referme avec des couches de membranes géosynthétiques pour encapsuler les déchets, et on recouvre pour permettre la revégétalisation. Au cours des 20 années suivantes, l’activité biologique diminuera peu à peu jusqu’à s’arrêter. Pendant ce temps, le lixiviat et les biogaz continuent d’être récoltés.

De plus, un fonds post-fermeture est constitué en prélevant un montant sur chaque tonne enfouie. L’argent est mis dans une fiducie au nom du ministère de l’Environnement. Lorsque le lieu d’enfouissement technique de Sainte-Sophie terminera ses opérations, en 2040, le fonds comptera 50 millions de dollars, et permettra d’assurer le suivi environnemental et l’entretien du site pour 30 ans, jusqu’en 2070.

Plusieurs couches de membranes géosynthétiques assurent
que la nappe phréatique est protégée.

1 commentaire

  1. Quel bel article qui explique bien toutes les étapes à venir d’un LET. Merci, cela est du vrai journalsme on ne fait pas que relaté quel que fait on explique et informe afin de bien comprendre.

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