Externaliser la démocratie municipale ?

Par Rédaction

Par Philippe Leclerc

Dans un mois, Piedmont tiendra une élection partielle pour combler le siège laissé vacant par une conseillère démissionnaire. Cette élection coûtera près de 100 000 $. Un montant substantiel, mais indispensable pour garantir la vitalité démocratique. Matériel, personnel, logiciels de vote : chaque élément est essentiel pour assurer la transparence et la rigueur du processus électoral. Pourtant, malgré ces coûts, peu de citoyens se mobiliseront. Ils réagiront peut-être plus tard, une fois les décisions prises. Tandis que la campagne électorale américaine captive, nos propres enjeux locaux semblent attirer peu d’attention.

Un projet de loi qui change la donne

Le gouvernement québécois vient de redéfinir les règles électorales avec le projet de loi 57 (PL57). Jusqu’ici, les directeurs généraux (DG) et le greffe gèrent seuls l’organisation des élections municipales, en plus de leurs autres responsabilités administratives. Mais le PL57 permet désormais de déléguer ces tâches à des consultants, des anciens employés ou des firmes externes. Pour des petites villes comme Piedmont, où les ressources humaines sont limitées et les DG surchargés, cette option est une porte de sortie bienvenue, réclamée depuis longtemps.

Qu’en est-il des grandes villes ?

Dans des municipalités plus importantes, comme Saint-Jérôme, notre capitale régionale, le nombre d’employés est plus élevé, ce qui permet une meilleure répartition des responsabilités. Mais même dans ces centres, où l’on pense à tort qu’il y a plus de distance, la proximité reste forte : les DG, les élus et les citoyens se côtoient. En théorie, cette proximité facilite la compréhension des enjeux locaux, mais elle peut aussi nuire à l’impartialité. Alors, est-ce préférable de conserver la gestion en interne ou de l’externaliser ?

Proximité et impartialité : un dilemme permanent

Dans nos villes et municipalités des Laurentides, la proximité entre élus, citoyens et personnel administratif est à double tranchant. Elle rend la démocratie plus accessible et ancrée dans la réalité locale, mais elle pose aussi des questions d’impartialité. Comment être sûr que le DG, qui connaît bien les candidats et les électeurs, reste complètement impartial ? Avec le PL57, l’option de sous-traiter apporte une solution possible : faire appel à des tiers extérieurs, sans lien direct avec la communauté, pourrait offrir une objectivité précieuse.

Cependant, cette option a aussi ses défis, et pas seulement parce qu’elle peut coûter plus cher. Des intervenants extérieurs comprendront-ils bien les enjeux locaux ? Assureront-ils la transparence démocratique dans un milieu qu’ils connaissent peu ? La proximité garantit souvent une meilleure compréhension du contexte, mais l’objectivité demande parfois une distance que seule une intervention externe peut offrir.

Peut-on vraiment confier l’organisation d’une élection comme un simple service contractuel ? Une démocratie municipale repose sur la transparence et la participation citoyenne. Confier une élection à des tiers ne doit pas diluer ces valeurs fondamentales.

Novembre : une pression intense pour les DG

La période des élections municipales coïncide avec la préparation des budgets, un exercice crucial pour les DG, qui jonglent entre leurs responsabilités budgétaires et électorales. Dans les grandes municipalités comme Saint-Jérôme, cette charge est plus facilement répartie grâce à un nombre plus important d’employés. Mais même là, les DG doivent coordonner à la fois l’élection et la gestion budgétaire, une tâche complexe et exigeante. Dans ce contexte, la tentation de déléguer l’organisation des élections devient forte.

Proximité ou efficacité : un choix délicat

Le cas de Piedmont illustre bien ce dilemme. D’un côté, une gestion interne des élections, ancrée dans la proximité et une connaissance des enjeux locaux, mais qui surcharge le DG. De l’autre, une distance potentiellement bénéfique, permise par le PL57, avec la sous-traitance à des tiers. Cette distance garantit-elle une meilleure impartialité ? Est-elle vraiment moins coûteuse ? Est-il plus prudent de compter sur des DG ancrés dans la communauté, quitte à risquer un certain biais, ou de faire appel à des intervenants externes ?

Une démocratie en équilibre est informée

La démocratie municipale repose sur un équilibre subtil. Elle doit rester proche des citoyens sans sacrifier sa transparence. Avec le PL57, chaque municipalité devra trancher entre gérer les élections en interne ou les externaliser. Ce choix doit s’accompagner de garanties pour préserver la qualité démocratique. Les citoyens devraient d’ailleurs être informés de la manière dont leurs municipalités organiseront leurs élections en novembre 2025.

2 commentaires

  1. Merci beaucoup pour ces explications monsieur Leclerc. Comme l’impartialité semble manquer cruellement dans la MRC des Pays-d’en-Haut alors il faudra donc y réfléchir à deux fois avant de prendre une décision finale concernant la direction intérieure ou extérieure des élections de toute municipalité. De plus,une firme extérieure pourrait en être une qui est bien acoquinée avec certains membres influents de certaines municipalités, ce qui ne garantirait en rien l’impartialité des élections….donc retour à la case départ.

  2. La loi découlant du projet no 57 couvre large, s’attaquant autant à la perte de civisme à laquelle on assiste et dont les élus de tout palier font les frais qu’à la réduction de la bureaucratie en amont des initiatives de logements sociaux ou abordables. Il est vrai qu’elle stipule aussi, comme vous le souligner, que le greffier ou directeur général d’une municipalité peut se faire remplacer par une autre personne pour agir à titre de président d’élection.

    Vous avancez que dans nos villes et municipalités des Laurentides, la proximité entre élus, citoyens et personnel administratif poserait des questions d’impartialité. Je vous cite : « Comment être sûr que le DG, qui connaît bien les candidats et les électeurs, reste complètement impartial ? »

    Je trouve que vous attaquez les bases de l’État de droit qui repose entre autres sur la confiance que nous devons avoir dans nos institutions et dans ses mécanismes inhérents de reddition de comptes.

    J’aimerais bien que vous nous expliquiez comment un consultant du privé pourrait faire preuve d’une plus grande objectivité face au processus électoral que les fonctionnaires et les élus soumis à un code d’éthique et choisis pour leur défense de l’intérêt commun ?

    Pour ma part, je dis : colmatons les failles du système public, toujours perfectible, améliorons les ressources dont doivent disposer les greffes et directions générales de nos municipalités, mais soyons hyper prudents avant d’externaliser ce qui touche aux élections.

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