Femme et Française
Par jocelyne-cazin
Des conférences aux É.-U. pour Jocelyne Cazin
Chroniqueuse et collaboratrice régulière au journal Accès, Jocelyne Cazin donnera une série de conférences aux États-Unis au cours des prochaines semaines, sur un thème plus actuel que jamais: les femmes et la francophonie. Elle expose en exclusivité aux lecteurs d’Accès les fondement de sa réflexion.
Je vous avais prévenus lorsque j’ai quitté la télévision en 2008, que j’entreprenais une pause plaisir, mais que je n’étais pas sur pause. J’ai le grand privilège d’être invitée par l’Alliance française d’Amérique comme conférencière dans le cadre de la semaine de la francophonie. L’Alliance française aux États-Unis a pour mission de promouvoir le français et les cultures françaises et francophones, et d’encourager les échanges culturels, intellectuels et artistiques entre les États-Unis et le monde francophone.
Le thème de ma conférence: Femme et Française: Rien n’est acquis. Vous savez peut-être que je suis la fille d’immigrants breton et normand arrivés au Québec en 1952, alors que je n’étais âgée que de 18 mois. J’ai été la «maudite française du village» (Saint-Sauveur) à une époque ou les immigrants français étaient perçus comme des colonisateurs peu sympathiques.
Dès mon jeune âge, je me suis battue pour faire ma place dans une société réfractaire à tout ce qui était étranger. Bien humblement je pense que mon cheminement a fait la preuve que pour demeurer intègre et ne pas renier ma culture ou me renier comme femme, qu’il faut se battre avec courage, il faut maintenir la barre haute, il faut demeurer vigilant.
Il en est de même pour la survie du français en Amérique. Cette survie passe indubitablement par le Québec, le seul endroit en Amérique où le français est encore la langue officielle et la langue d’usage. Mais rien n’est acquis quand on apprend que le français subit un recul depuis les cinq dernières années au Québec. Pourtant en 1977 le gouvernement de René Lévesque adoptait la loi 101, créature de la Charte de la langue française. Partout à Montréal à jusqu’à cette époque les magasins affichaient uniquement en anglais. Pourtant, 85% de la population de Montréal était francophone. Comme citoyens responsables aimant notre culture et notre langue, nous avons la responsabilité de préserver ces acquis. Que dis-je! Il n’y a rien d’acquis. Les Québécois ne font plus d’enfants. Ne vous laissez pas berner par les derniers chiffres qui indiquent un mini baby-boom. Cette hausse de la démographie provient des nouveaux arrivants et de la communauté autochtone. Quand on regarde les chiffres de plus près, on constate que le français est en perte de vitesse à Montréal. Selon Statistique Canada, pour la première fois depuis 2006, les Montréalais dont la langue maternelle est le français sont minoritaires sur l’île. Seulement 48% des Montréalais parlent maintenant le français à la maison. Je n’invente rien. Voici un extrait d’un rapport du ministère de Citoyenneté et Immigration: «Les immigrants sont de plus en plus unilingues Anglais et moins unilingues Français ou bilingues. Trois immigrants sur quatre ne parlent que l’anglais, et un sur dix est bilingue. Un faible pourcentage (4%) ne parle que le français.» Évidemment que ces chiffres font référence à l’ensemble du Canada. Promenez-vous à Montréal et vous verrez que dans certains quartiers, les clients francophones ont de plus en plus de difficulté à se faire servir en français. On a parfois l’impression de reculer de 40 ou 50 ans. En fait, c’est peut-être pire qu’à l’époque de la «madame anglaise de chez Eaton», parce que la force du nombre n’existe plus pour remettre le français à la place qui lui revient.
Il ne faut surtout pas compter sur la France pour nous aider à protéger la langue si belle, celle d’Yves Duteuil. Je suis en effet tombée en bas de ma chaise en apprenant qu’au pays de Molière, le distributeur français du film québécois Tout est parfait vient de sortir le film sous le titre probablement plus accrocheur, «Everything is fine». Parfait, vous dites!!
C’est donc un peu tout ça que je vais raconter à nos amis francophiles des États-Unis au cours des prochains jours.