Fermeture du Café de rue du Centre Sida Amitié de Saint-Jérôme
Par nathalie-deraspe
Une soixantaine de personnes a assisté la semaine dernière à la «fermeture de portes» du Café de rue du Centre Sida Amitié (CSA) de Saint-Jérôme. L’endroit n’accueille plus personne le soir ni la fin de semaine. Le conseil d’administration de l’organisme a choisi à l’unanimité de recentrer ses efforts sur sa mission première: venir en aide aux personnes aux prises avec le VIH et à leurs proches.
«Ça faisait 4 ou 5 ans que le CSA puisait de l’argent dans son financement de base et on commençait à se faire dire qu’on délaissait les services de base», affirme le directeur général du CSA pour justifier cette décision. Pour accompagner la nouvelle, ce dernier a livré un message empreint de cynisme sur Youtube. Il y écorche au passage l’Agence de santé des Laurentides, se plaignant de son absence de leadership dans le dossier. Gaston
Leblanc déplore également que l’Agence considère son organisme sur un même pied d’égalité que tous ceux et celles qui oeuvrent dans le secteur communautaire. «Je pensais qu’on était un partenaire important compte tenu qu’on gère trois programmes de front (itinérance, sida, échange de seringues)», dit-il.
Pas moins de 200 itinérants âgés de 23 à 60 ans fréquenteraient le CSA. De ceux-là, 65% seraient aux prises avec un problème de santé mentale non ou mal diagnostiqué. Le reste de la clientèle est multiproblématique, précise Gaston Leblanc. «Les services policiers savent le rôle qu’on joue. On est comme un parc d’attractions pour eux. Quand une ville est bâtie entre une prison et une psychiatrie, faut pas s’étonner qu’il se passe quelque chose entre les deux. Près de 4% des personnes internées ont le VIH et près de 20% ont contracté l’hépatite C. Où vont-ils quand ils sont libérés? Encore hier, un homme près de la cinquantaine venait chercher une preuve de résidence chez nous. C’est l’aide sociale qui l’a envoyé.»
Le directeur du CSA ne manque pas d’images pour illustrer l’immobilisme des acteurs au dossier. Et il entend bien se servir du net et de twitter pour alerter la population et chercher des appuis pour améliorer le sort des gens coincés dans ce qu’il appelle le «container social». Et impossible de travailler en amont. «Les gens ne viennent pas me voir parce qu’ils ont le bras cassé, mais le bras arraché!»
Le 13 décembre 2002, le gouvernement faisait de la lutte contre la pauvreté une priorité. Depuis, les rapports s’empilent et les résultats se font toujours attendre. Selon un récent rapport publié à l’échelle du pays, le phénomène aurait même connu une légère recrudescence. Et qui dit pauvreté, dit criminalité. Selon le dernier portrait de la MRC de la Rivière-du-Nord diffusé par la Sûreté du Québec, l’équation se confirme. De 2008-2009 à 2009-2010, les voies de fait sur le territoire sont passées de 68 à 109 et les agressions sexuelles de 14 à 22. Durant la même période, les policiers ont enregistré au total 208 crimes contre la personne, comparativement à 135 l’année précédente. C’est donc dire que le tissu social s’amincit comme peau de chagrin dans la région. «On a enregistré 5 morts depuis janvier, indique Gaston Leblanc. C’était tous des suicides ou des overdoses. Le lendemain qu’ils ont fermé l’aile psychiatrique, on avait un gars en train de faire une overdose de méthadone à côté de la bâtisse. Qu’est-ce qui s’est passé entre son départ de l’hôpital et son arrivée ici?»
Le directeur du CSA garde tout de même espoir, même s’il sait qu’il faut 150 000$ par an pour faire fonctionner le café de manière autonome. Une première rencontre a eu lieu avec le nouveau député néo-démocrate Pierre-Dionne Labelle et deux autres rendez-vous du genre devraient avoir lieu sous peu aux niveaux provincial et régional (avec l’Agence). Quant au maire de Saint-Jérôme, Gaston Leblanc l’invite à «faire un bon coup avant son départ de la politique». La Ville n’a jamais supporté l’organisme auparavant de quelque manière que ce soit. Pour le reste, il lance un appel à peine voilé à Pierre-Karl Péladeau. «Je n’aurais pas de misère à ce qu’un riche mécène des Laurentides s’investisse dans le projet. Le Café de rue peut aller chercher 30% d’auto-financement.»