Je serais gêné d’être un-e député-e et un-e partisan-e de la CAQ aujourd’hui
Par Rédaction
CHRONIQUE
Par Philippe Leclerc
La véritable mesure de toute société réside dans la manière dont elle traite ses membres les plus vulnérables, indique la maxime universelle. Les député-es de la CAQ l’ont récemment échappé à cet égard, et solidement.
Le programme d’adaptation à domicile (PAD) : on coupe où ça fait mal
On a coupé RénoRégion. Et ça a fait du bruit. Normal : c’est un programme qui aidait les plus démunis à rendre leur maison habitable.
Pendant que tout le monde s’en indignaient récemment dans les médias, un autre programme s’est fait couper – ou suspendre sans autre budget additionnel, ce qui revient au même : le Programme d’adaptation de domicile (PAD). Celui-là, il s’adresse aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie. À celles et ceux qui veulent simplement se laver sans tomber, sortir de chez eux sans dépendre de quelqu’un, ou vivre chez eux sans risquer leur vie.
Pourtant, ce n’est pas comme si c’était un petit programme anodin. Le PAD, c’était le seul outil concret pour adapter une salle de bain, installer une rampe, agrandir une porte, rendre un logement vivable quand ton corps ne suit plus. C’est rendre un logement vivable quand ton chez-soi n’est plus synonyme de bien-être.
En novembre 2024, à la surprise de tout le monde, le gouvernement a suspendu le programme. Tout le monde s’est dit : ce n’est pas possible, ils vont bien se rendre compte de la grossière erreur. Mais depuis le 1er avril, il est officiellement sans nouveau financement. On ne fait que rattraper les demandes qui avaient été suspendues entre novembre dernier et mars 2025. Traduction : fini, quoi qu’essaient de vous dire vos député-es de la CAQ et leur personnel.
Où est le sens des priorités ?
On trouve des centaines de millions pour retaper le Stade olympique. On alimente encore à grands coups de millions le mirage d’un troisième lien à Québec. Mais pour permettre à un citoyen d’installer une rampe ou de prendre une douche sans se blesser, là, soudainement, il n’y a plus d’argent.
Dans les Pays-d’en-Haut, on parle de 10 à 15 demandes PAD par an. Dans Rivière-du-Nord, 20 à 25. C’est peu en chiffres. Ça ne vide pas les coffres de l’État non plus. Ça représente une trentaine de millions chaque année pour l’ensemble du Québec. Mais c’est énorme comme aide pour chaque personne concernée. Parce que quand tu vis avec une incapacité, chaque jour sans adaptation est un risque de blessure, et une perte d’autonomie, un recul dans ta dignité.
Et les chiffres le montrent. 69 % des chutes graves ont lieu à l’intérieur. Les chutes sont la première cause d’hospitalisation chez les personnes âgées. Elles coûtent 5,6 milliards de dollars par année au Canada. Au Québec, on compte 300 000 chutes par an chez les aînés.
On coupe dans le PAD, mais devinez qui va payer les hospitalisations ? Le transfert en ressources intermédiaires ou en CHSLD ? Les congés de proches aidants qui s’épuisent ? Ce n’est pas juste une coupe. C’est une bombe à retardement. Une bombe sociale. Une bombe budgétaire.
Une gestion cruelle et incohérente
Et le pire ? En 2023-2024, on avait enfin augmenté le plafond des dépenses et remboursements admissibles du PAD. C’était gelé à 16 000 $ depuis 30 ans ! On l’a haussé à 50 000 $. Une avancée attendue. Et 18 mois plus tard… suspension. Quelle incohérence. Quelle gestion cruelle.
Le handicap n’arrive pas qu’aux autres et la vieillesse touchera tout le monde
On pense que les personnes handicapées sont « nées comme ça ». Faux : le handicap peut surgir à tout moment. Un accident de voiture, un AVC, une maladie, une chute… Et tout bascule. Ta maison devient un piège. Ta vie, une série d’obstacles. Tu passes d’une vie « ordinaire » à une lutte quotidienne.
Et vieillir est un phénomène inéluctable. Et la perte d’autonomie, hautement probable.
Et là, le PAD devient ton seul espoir. Un tremplin vers l’autonomie, pas un luxe. Ceux qui l’utilisent ne demandent pas des piscines creusées. Ils demandent de vivre dignement.
Et nos député-es, eux ?
La région compte dix député-es. Neuf sont de la CAQ. Et parmi eux, deux ont activement participé à cette décision honteuse : Éric Girard (Groulx), ministre des Finances, et France-Élaine Duranceau (Bertrand), ministre de l’Habitation.
Ils sont directement responsables. Ils auraient pu défendre ce programme. Ils l’ont sacrifié. Et les autres député-es ? On ne les entend pas. Ils adorent parader pour le tourisme, les autoroutes, les commémorations. Mais quand vient le temps de se battre pour les plus vulnérables ? Silence radio. Et ce silence, il est complice.
Il est encore temps
Chaque jour qui passe rend la décision plus ignoble. Un gouvernement qui coupe l’aide à ceux qui ne peuvent même plus sortir de chez eux, c’est plus qu’un gouvernement négligent : c’est un gouvernement indifférent.
Et face à l’indifférence, on n’a qu’un devoir : refuser d’oublier. Et le 5 octobre 2026 arrivera bien assez vite pour cela.