Grandeurs et misères du monde communautaire

Par nathalie-deraspe

Lundi dernier, les organismes communautaires soulignaient la Journée régionale de reconnaissance des travailleuses et travailleurs du communautaire. La semaine auparavant, on marquait la 5e Journée nationale de visibilité de l’action communautaire autonome. Accès a profité de l’occasion pour voir comment se porte ce secteur négligé de la santé.

Les organismes communautaires des Laurentides ont beau imaginer un rituel pour faire disparaître symboliquement par le feu toutes les problématiques sociales que leur travail vise à éliminer que la pauvreté, l’exclusion, la violence faite aux femmes et aux enfants, le non-respect des droits humains, le suicide, la toxicomanie, l’itinérance, la détresse psychologiqe persiste.

Mais même si elle brûle de voir les choses évoluer plus rapidement, la présidente du ROCL, Laurie McFall, refuse de se laisser abattre: «Avant, les personnes en chaise roulante ne pouvaient circuler librement, la violence faite aux femmes et à leurs enfants était un sujet tabou ; les personnes avec des problèmes de santé mentale n’avaient nulle part où aller, les personnes âgées vivaient dans l’isolement, les jeunes n’avaient pas de lieu d’appartenance dans leur quartier, les pollueurs n’étaient pas dénoncés, les familles monoparentales étaient sans aide, on n’avait personne à qui parler quand on pensait au suicide, on restait seul avec la honte d’être victime d’abus sexuel. Nos organismes communautaires ont aidé à changer tout ça et ils vont continuer!»

Sous-financement chronique

En écoutant les propos de Pierre-Dionne Labele, coordonnateur du Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL), on est porté à croire que la pauvreté dans laquelle sont plongés les organismes de la région est inversement proportionnelle à la générosité des gens qu’on y côtoie.

Le ROCL fournit près de 785 emplois réguliers. Il s’agit souvent d’emplois à temps partiel offerts sur une base régulière. La moyenne des salaires se situe autour de 11,10$ de l’heure. En hébergement jeunesse, des intervenants de nuit reçoivent aussi peu que 10,25$ de l’heure. Il y a cinq ans, le salaire moyen d’un travailleur non syndiqué s’élevait à 16,88$ et le seuil de faible revenu d’une personne seule s’élevait à 20 778$ par année ou 11,42$ l’heure (sur une base de 35 heures). Malgré ces maigres offres, la masse salariale représente ni plus ni moins 60% des dépenses encourues par les organismes communautaires. Cette donnée fait sourire quand on sait que les employés dépensent pratiquement autant de temps à chercher de l’argent pour le bon fonctionnement de l’organisme pour lequel ils travaillent…

Pourtant, les travailleurs du secteur communautaire sont nettement plus diplômés que la moyenne québécoise (41% ont un diplôme collégial contre 27% pour la population générale – et 35% détiennent un diplôme de premier cycle universitaire contre 21% de la population en général). D’où la difficulté à embaucher et retenir du personnel qualifié. À peine peut-on se prévaloir de salaires indexés au coût de la vie.

En 2006, on souhaitait que l’Agence de la santé et des services sociaux donne un véritable coup de barre en investissement le minimum attendu de 880 000 $. Lors de l’assemblée générale annuelle du ROCL de mai 2006, les organismes ont adopté une déclaration commune à l’effet que l’Agence règle une fois pour toute ses engagements de 1998. L’organisme reconnaît qu’il faudrait injecter 10 M$ par année donc augmenter les budgets du tiers pour rééquilibrer le réseau.

****Sempiternelle iniquité****

Quand on regarde l’univers des organismes communautaires subventionnés à travers la lunette des Comptes publics et du Livre des crédits du Québec, on remarque la faible proportion des sommes dévolues aux organismes communautaires par rapport au total des montants consacrés à la mission santé et services sociaux. En 1990-1991, cette proportion n’était même pas de 0,5%. Dix ans plus tard, on atteindrait les 2%.

L’Outaouais, qui compte une population de 357 202 personnes obtient per capita un peu moins du double des budgets alloués aux Laurentides, soit 68,58$ par personne, contre 39,28$ chez nous. Pourtant, notre population compte 543 656 individus.

«L’Agence s’est engagée à réduire l’iniquité sur un horizon de 5 ans mais ça ne se fera pas», soutient le coordonnateur du ROCL. Pourtant, il y avait un consensus régional à l’effet d’obtenir 5% du budget de la santé. Mais on est loin du compte. Sur les quelque 700 M$ que reçoit l’Agence, les organismes communautaires récoltent un maigre 21 M$.

Le député ****Claude Cousineau**** dit s’être entretenu avec le ministre Yves Bolduc récemment. Celui-ci a promis des annonces importantes dans le réseau de la santé au cours des prochaines semaines. «On n’arrête pas de faire des revendications, d’indiquer le député de Bertrand. On tape toujours sur le même clou, l’iniquité interrégionale. Il y a un manque à gagner de 700 M$.»

Il ne faut pas être trop pessimiste, précise de son côté Pierre-Dionne Labelle. «La lueur est dans les gens qui s’impliquent.»

Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides représente plus de 1000 employés et 6833 bénévoles. Ceux-ci supportent plus de 227 996 personnes chaque année et tentent de faire résonner des mots comme justice sociale, équité, égalité, droits à la santé, logement social, lutte aux préjugés…

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