Immigration en région
Par julie-corbeil
État des lieux dans les Laurentides
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Vous rappelez-vous de la présence de baigneuses portant le hijab au complexe aquatique du Mont Saint-Sauveur l’été dernier, et de l’agitation médiatique à ce sujet? Au Québec, l’immigration n’est plus un phénomène exclusif à Montréal. Depuis 1994, la politique de régionalisation de l’immigration encourage les nouveaux arrivant à se diriger à l’extérieur des grands centres comme c’est le cas dans les Laurentides.
En 2009, le ministère de l’immigration et des communautés culturelles évalue que près de 6000 immigrants habitent la région laurentienne. La communauté française qui représente près de 30% de cette immigration est a plus important en nombre. Évidemment, la politique de régionalisation de l’immigration n’est pas le seul motif qui amène les nouveaux arrivants ici, mais elle y est pour beaucoup dans l’arrivée de certaines communautés. «Au départ, le but de la politique était d’empêcher la ghettoïsation de Montréal, car à l’époque, 87% des immigrants s’y trouvaient», explique Michèle Vatz-Laaroussi, responsable de l’Observatoire canadien de l’immigration dans les zones à faible densité d’immigrants. Elle ajoute que l’intention était également d’intégrer les nouveaux arrivants dans des contextes plus francophones et évidemment, le gouvernement souhaitait encourager le développement économique des régions de cette manière.
Trouver refuge dans les Laurentides
Malgré les motivations du gouvernement à «vendre» les régions aux immigrants économiques, Mme Vatz-Laaroussi avoue que l’attrait de Montréal reste substantiel à cause de l’accessibilité aux services: «On s’est aperçu que le seul groupe sur lequel nous avions un certain contrôle par rapport au lieu d’immigration sont les réfugiés.»
À Saint-Jérôme, les réfugiés constituent plus de la moitié de la population immigrante. Originaires de Colombie, de la République démocratique du Congo, du Kosovo, du Népal et de bien d’autres pays, les réfugiés fuient les conflits et les guerres, car leur vie est menacée. Si dans les Laurentides la majorité d’entre eux est installée à Saint-Jérôme, c’est que l’organisme d’intégration des immigrants Le Coffret s’y trouve pour les accompagner dans cette nouvelle vie. «Avant de quitter leur pays, les réfugiés ne savent souvent pas où ils seront dirigés. Puisqu’ils viennent souvent de zones rurales, il est plus facile pour eux de s’intégrer à l’extérieur de Montréal», assure Line Chaloux, directrice générale du Coffret.
Statistiquement, les réfugiés s’insèrent moins rapidement sur le marché du travail, car la période d’intégration est plus exigeante et parfois, leur niveau de scolarisation est moins élevé. Le Centre d’intégration en emploi des Laurentides a développé depuis quelques années un volet d’aide aux nouveaux arrivants pour faciliter les contacts avec le marché du travail. Michèle Vatz-Laaroussi soutient qu’après deux ou trois ans, les réfugiés sont généralement prêts à se chercher un emploi dans la région. Selon elle, c’est plutôt le milieu qui n’est pas prêt à leur offrir du travail. «Il y a beaucoup de familles qui repartent après avoir fait des efforts, car ils ne trouvent pas d’emploi qui leur convient. Il faut se questionner sur la place réelle qu’on fait aux immigrants dans notre société» reproche la spécialiste de l’immigration. Plus positive, Line Chaloux de l’organisme Le Coffret précise que ce n’est pas nécessairement le cas des Laurentides.
Pas d’immigrants sans organisme
Depuis 1990, l’organisme régional en matière d’accueil et d’établissement des immigrants, Le Coffret, travaille d’arrache-pied pour soutenir les nouveaux arrivants. La directrice générale, Line Chaloux, est à l’origine de cet ambitieux projet qui occupe les murs de l’ancienne église de la paroisse Sainte-Marcelle de Saint-Jérôme, aujourd’hui connu sous le nom de Méridien 74.
«Très jeune, j’ai été initiée à la diversité culturelle. Mais j’ai réellement découvert ma passion après mes études en intervention sociale, lorsque je me suis rendue à l’Expo 86 de Vancouver, se rappelle Line Chaloux entre deux appels urgents. Là-bas, j’ai rencontré le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. J’ai tout de suite su que c’était avec eux que je voulais travailler.»
Quelques années plus tard, elle fonde l’organisme Le Coffret qui est aujourd’hui une vraie fourmilière composée d’une équipe réduite d’employés et de bénévoles passionnés qui considèrent que l’immigration occupe une place primordiale dans notre société. Leurs objectifs? Sensibiliser la population à la lutte contre la discrimination raciale, en plus d’accueillir, installer et intégrer les nouveaux arrivants. Rien de moins. «Dès le début, nous avons mis l’accent sur les réfugiés, car nous considérions que c’était la population la plus démunie», précise Line Chaloux.
Le chemin vers l’inconnu
Alors que nous l’interviewons, la directrice générale règle par téléphone un problème de transport d’un groupe de réfugiés Népalais arrivés à l’aéroport d’Halifax cet après-midi, alors que ceux-ci souhaitent rejoindre une partie de leur famille qui les attend à Saint-Jérôme. Comment organiser leur transport jusque dans les Laurentides? Train? Autobus? Où vont-ils habiter? La directrice du Coffret qualifie de rare cette situation de désorganisation, mais elle l’amène à réfléchir sur les déplacements des réfugiés qui n’ont souvent pas le pouvoir sur leur destination finale. «C’est particulier… C’est comme si nous nous retrouvions au-dessus de la planète à gérer des déplacements, explique –t-elle en mimant les mouvements de population. C’est un coup de dé, mais au fond, c’est le sort d’êtres humains qui est en jeu.»
Dès l’arrivée des réfugiés dans la région, le Coffret se veut un conseiller dans leur démarche d’intégration comme lors de la visite de l’appartement ou encore, lors de l’inscription aux écoles et aux cours de francisation. Même si l’organisme est très présent dans les premières semaines suivant l’arrivée des immigrants, il cherche avant tout à stimuler leur autonomie.
Au Québec, plus de 150 organismes partenaires du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles offrent divers services gratuits à l’intention des immigrants. Plus du deux tiers de ces organismes sont situés à l’extérieur de Montréal. «On a mis des fonds pour développer les organisations d’intégrations des immigrants en région pour appuyer la Politique de régionalisation de l’immigration, mais lorsqu’il arrive de grand groupe de réfugiés, il y a un manque flagrant de ressources», soutient la spécialiste de l’immigration en région, Michèle Vatz-Laaroussi.
Malgré les fonds insuffisants, l’équipe du Coffret accomplit des miracles et poursuit sa mission d’accueil et d’intégration des groupes de nouveaux arrivants qui seront encore nombreux à prendre le chemin des Laurentides.