«Je ne pouvais pas rester chez nous sans rien faire» -Dr Julien Auger
Par France Poirier
Il fait les manchettes depuis le début du mois. Le docteur Julien Auger, médecin omnipraticien à l’Hôpital régional de Saint-Jérôme, voulait se rendre en Ukraine pour aider la population là-bas.
Comme médecin, il croyait être protégé et que les hôpitaux seraient épargnés des attaques russes. « Plus j’approchais et plus je voyais que les conventions n’étaient pas respectées. On a vu que même des hôpitaux étaient ciblés et que les Russes ignoraient les corridors humanitaires et tiraient sur les civils. Je m’attendais à un minimum de respect des conventions internationales. J’ai donc décidé de me rendre plutôt en Pologne pour aider les réfugiés. Je ne voulais pas non plus me mettre à risque », raconte le père de deux jeunes enfants de 3 et 5 ans.
« Notre camp est près de la frontière et nous accueillons les gens qui arrivent de l’Ukraine par la frontière. Ce sont des personnes âgées, des femmes et des enfants, puisque les hommes doivent rester en Ukraine pour défendre leur pays », dit-il.
Le médecin de 35 ans est arrivé en Pologne le 3 mars près de la frontière de l’Ukraine pour prêter main-forte dans un camp de réfugiés. « Ç’a été compliqué de me rendre jusqu’ici avec le transport en commun. Puis, j’ai été reçu par une médecin militaire qui m’a accueilli. Il y avait avec moi une urgentologue espagnole, deux paramédicaux polonais et des infirmiers et infirmières de première ligne. »
Traversée de la frontière
Tous les jours, des gens traversent la frontière et le camp reçoit une quinzaine de personnes qui ont besoin de soins. « Le temps d’attente à la frontière était plus long au début avec 14 heures d’attente. Les gens nous arrivaient déshydratés. On doit s’occuper de fournir des médicaments notamment aux personnes diabétiques et épileptiques, par exemple. J’ai reçu, il y a quelques jours, une femme qui avait eu une greffe rénale et qui avait absolument besoin de ses médicaments antirejet. J’ai envoyé un mémo avec mes recommandations pour l’hôpital où elle a été transportée », nous confie le médecin québécois.
« J’ai aussi reçu une femme avec son bébé, un grand prématuré, ainsi que ses quatre enfants qui avaient fui la guerre. Le bébé avait encore son tube d’alimentation dans le nez. Elle a aussi été transportée à l’hôpital. Ce sont des situations difficiles et on ne peut pas rester indifférent. Un autre est arrivé en arrêt cardiaque. Des manœuvres ont été faites, mais on n’a pas pu le sauver », raconte-il.
Sa motivation
Qu’est-ce qui l’a poussé à tout lâcher ici pour se rendre là-bas? « Je suivais le conflit et on ne savait pas ce qui allait se passer. Quand j’ai vu les images, ce qui arrivait aux civils, je n’en revenais pas. C’est une agression, une invasion sans raison. C’est un crime de guerre. De voir les bombardements des hôpitaux, je me suis dit que si ça se passait dans notre pays, je serais allé. Nous sommes des citoyens du monde, il n’y a pas de différence. J’ai entendu dire qu’ils avaient besoin de médecins. Ma conjointe savait que je voulais y aller, que ça m’empêchait de dormir. Elle m’a appuyé dans mon projet. Mes parents n’étaient pas à l’aise que j’aille en zone de guerre comme prévu au début, mais le fait que je sois en dehors de cette zone les a rassurés. Je me sens en sécurité ici », a-t-il ajouté.
Quand on lui a parlé samedi dernier, par Messenger, il était le seul médecin dans le camp. Depuis, il a fait des demandes d’aide auprès d’organismes. Des médecins et d’autres membres du personnel de la santé vont venir prendre le relai.
Dr Auger a réservé son vol de retour pour le 21 mars pour l’anniversaire de sa conjointe et pour « faire les sucres ». Il aura donné près de trois semaines en aide humanitaire. « Je vais avoir le temps d’entailler mes érables et de faire mon sirop, un rituel que j’aime bien au printemps », nous confie Dr Auger.