Joli mois de Cannes
Des films et des films… jusqu’au 24 mai
Que sera ce 62e Festival de Cannes, parenthèse annuelle et singulière, fourmilière surréaliste de génies et de filous, alors qu’en avalanches, les avatars s’abattent sur notre pauvre monde?
Se pourrait-il, qu’ignorant récession et grippes assassines, ses quelque 30 000 officiants habituels, chroniquement sous influence de l’intraitable et récurrent virus «cinématograficus», se précipitent, des Amériques à l’Asie, de l’Europe à l’Océanie, intrépides, à la grand’messe azuréenne du cinéma mondial?
Luxe effréné caracolant sur tapis rouge, paroxysme de classe et de vulgarité, experts en jeux de coulisses impitoyables, jeunes créateurs surdoués cherchant financement, affairistes de tout d’acabit, serez-vous au rendez-vous en ce calamiteux printemps 2009?
Sans peur et sans reproche, Accès y est.
Invitation au sourire, UP (Là-haut), film d’animation en 3D de Pete Docter produit par les studios californiens Pixar et présenté en ouverture hors compétition, devrait dérider les moroses. Pour la suite des choses, une lecture de la liste des candidats à la Palme d’or est de nature à donner le vertige au festivalier. Âmes timorées, préparez vos regrets!
Au programme, les dernières créations d’un fabuleux quatuor: BRIGHT STAR de Jane Campion, la Néo-Zélandaise, lauréate de la Palme d’or 1993 pour son bouleversant La Leçon de piano; INGLOURIOUS BASTERDS de Quentin Tarantino, Palme d’or 1994 pour son sanglant et burlesque Pulp Fiction; ANTICHRIST de l’impénitent Viking Lars Von Trier, Palme d’or 2000 pour Dancer in the Dark et LOOKING FOR ERIC de Ken Loach, le Britannique débordant de bonne conscience sociale, Palme d’or 2006 pour The Wind That Shakes the Barley.
En compagnie de ces ex-palmés, cinquante ans après son sublime Hiroshima mon amour et toujours jeune à 87 ans, le Français Alain Resnais est de retour avec LES HERBES FOLLES. Deux autres célébrités aux antipodes l’une de l’autre, nous reviennent aussi: l’ardent Espagnol Pedro Almodovar (Prix de la mise en scène 1999 pour Tout sur ma mère) avec ÉTREINTES BRISÉES et le très cérébral Autrichien Michael Haneke (Grand prix du jury 2001 pour La Pianiste et Prix de la mise en scène 2005 pour Caché) avec LE RUBAN BLANC.
L’Asie – Chine, Taiwan, Corée du Sud et Philippines – est à l’honneur dans cette compétition avec six oeuvres d’auteurs connus déjà rompus à l’exercice cannois, dont un ancien lauréat, le Coréen Park Chan-Wook, (Grand prix 2004 pour Old Boy). Madame la Présidente du jury, la grande actrice Isabelle Huppert n’aura pas la tâche facile.
De l’inusité: à l’ombre des palmes anciennes d’une compétition riche en films venus d’Europe et d’Asie, on cherche l’Amérique. Quasi-exclue, elle affiche un seul représentant de notre vaste continent: Quentin Tarantino, États-Unis. Lourde responsabilité pour un seul homme! Brésil, Argentine, Mexique, Canada, absents… Qu’est le Nouveau Monde devenu?
Aucun film canadien en compétition, soit. Oserons-nous nous plaindre avec six oeuvres en sélection dans diverses autres sections du Festival et un de nos compatriotes au jury de la Section Un Certain Regard.
Tout d’abord à la Quinzaine des Réalisateurs:
Baume sur notre ego collectif, trois films québécois au programme: CARCASSES, de Denis Côté, l’un des plus originaux de nos cinéastes; l’admirable POLYTECHNIQUE de Denis Villeneuve et J’AI TUÉ MA MÈRE, premier long métrage d’un jeune inconnu de vingt ans, le Montréalais Xavier Dolan que nous avons hâte de découvrir. À ce beau tiercé s’ajoute AMREEKA, une coproduction États-Unis-Canada- Koweit.
La Quinzaine, section parallèle prestigieuse, infatigable découvreuse de talents, a été la rampe de lancement de nombreux grands noms de la cinématographie mondiale: – Martin Scorsese avec Mean Streets; Spike Lee avec She’s Gotta Have It; Atom Egoyan avec The Ajuster – ainsi que de la plupart de nos cinéastes québécois, de Denys Arcand à Jean-Claude Labrecque, de Jean Pierre Lefebvre à Micheline Lanctôt, de Marc-André Forcier au regretté génial Jean-Claude Lauzon. Pour son 41e anniversaire, la Quinzaine s’offre un royal cadeau d’ouverture: TETRO, le dernier opus de Francis Ford Coppola, père du célébrissime Le Parrain.