Photo : Monia Proulx

La carte électorale sur pause : une mauvaise approche

Par Rédaction

CHRONIQUE

Par Philippe Leclerc

Les élections provinciales de 2026 auraient dû se tenir avec une carte électorale mise à jour. La Commission de la représentation électorale (CRE) avait proposé des ajustements pour refléter la croissance démographique du Québec. Notamment, la création de la circonscription de Bellefeuille dans les Laurentides et de Marie-Lacoste-Gérin-Lajoie dans le Centre-du-Québec, compensée par la suppression de deux circonscriptions dans l’Est de Montréal et dans le Bas-Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

Cependant, en mai 2024, l’Assemblée nationale a suspendu ce projet. Un vote unanime des 125 députés a interrompu les travaux, invoquant la nécessité de revoir les critères de délimitation.

En réaction, le Conseil des préfets et des élus de la région des Laurentides (CPERL) a choisi de contester cette loi en Cour en juin. En décembre dernier, la CRE a obtenu le feu vert pour finaliser son rapport, qui ne sera toutefois ni déposé ni rendu public avant le jugement final sur le fond.

Un choix risqué

D’entrée de jeu, je suis transparent : j’ai été directeur du CPERL de 2017 à 2022. J’ai vécu ses victoires et ses échecs. Aujourd’hui, je regrette la voie judiciaire empruntée. Certes, la récente victoire procédurale est un baume temporaire. Mais ce jugement reste limité : il ne rétablit pas la refonte avant 2026. Avant d’être triomphalistes, soyons lucides. Cette démarche pourrait finir en défaite coûteuse.

Le blocage politique : réalité ou excuse ?

Le CPERL affirme avoir agi pour contourner un blocage politique. Mais l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité pour suspendre la réforme. Cela en dit long. Les députés n’ont pas ignoré le besoin de modernisation. Ils ont demandé du temps pour repenser la représentation territoriale. Pourtant, dans un communiqué, le vice-président du CPERL oppose « les élus provinciaux qui suivent une ligne de parti » aux « élus municipaux [qui] assurent une vigie citoyenne autonome ». Ce discours clivant nuit aux revendications légitimes de la région.

Dialogue suspendu, confiance érodée

Selon le CPERL, la suspension des travaux justifiait une poursuite judiciaire. J’en doute. La confrontation judiciaire remplace le dialogue par une lutte à somme nulle. Or, les gains régionaux sont souvent le fruit de coalitions fortes et concertées. L’exemple de la santé dans les Laurentides est frappant. Si la région a obtenu des engagements concrets, c’est grâce à une mobilisation publique qui a réuni élus, citoyens et médecins autour d’un message clair.

La démocratie, plus qu’une question de chiffres

Oui, certaines circonscriptions sont sous-représentées. Mais d’autres, vastes et peu peuplées, doivent aussi être protégées pour éviter une perte d’influence politique. Ce débat sur la représentation doit avoir lieu devant les citoyens et entre élus, pas dans une salle d’audience.

Proposer des solutions, pas des confrontations

Dans ce contexte, quelles étaient les options ? Avant de saisir les tribunaux, le CPERL aurait pu organiser des consultations régionales pour entendre les citoyens. Mobiliser tous les élus locaux pour porter une voix unique et claire à l’Assemblée nationale, notamment via des résolutions ou une pétition régionale. Finalement, davantage aurait pu être fait pour inviter les élus provinciaux à participer aux discussions afin d’éviter un bras de fer judiciaire.

D’ailleurs, combien coûte cette poursuite aux MRC et aux municipalités ? Des fonds ont-ils été réservés pour cela ? Plusieurs élus m’ont confié leur malaise. Le soutien régional semble fragile. La victoire d’une poignée de préfets pourrait se faire au détriment d’une région entière.

Rassembler pour avancer

La quête d’une meilleure représentation des Laurentides doit passer par la conviction et la concertation. S’isoler dans une bataille juridique, c’est jouer le jeu de la polarisation. Les Laurentides ont toujours avancé en s’unissant, pas en se divisant. Ce n’est pas dans les cours de justice, mais dans l’arène politique, que la région prendra la place qui lui revient.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *