(Photo : Courtoisie)
La Galerie d’arts Michel Bigué a ouvert en 1976.

La Galerie Bigué ferme à Saint-Sauveur

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Après 45 ans sur la rue Principale de Saint-Sauveur, la Galerie d’art Michel Bigué fermera définitivement ses portes le 10 octobre prochain. Visite de cette galerie unique avec sa directrice, Astrid Deheusch.

Ce n’est pas que les affaires vont mal pour l’institution sauveroise, ouverte en 1976. Bien au contraire, la pandémie a amené plus de clients intéressés par l’art ou voulant rehausser le décor de leur domicile. Mais après 25 ans de loyaux services, Astrid est prête à prendre sa retraite. « Ça ne paraît pas, mais j’aurai bientôt 80 ans. Un moment donné, il faut bien arrêter », confie-t-elle.

Le propriétaire de la galerie, Michel Bigué, gardera ouverte sa seconde galerie, Canadian Fine Arts, à Toronto, mais il n’y a pas de relève pour celle de Saint-Sauveur.

Les maîtres canadiens

Astrid me reçoit dans ce qui ressemble davantage à un musée qu’à une galerie. Malgré leur nombre, les œuvres ont l’espace pour respirer. Ce sont les maîtres canadiens qui nous accueillent. Jean-Paul Riopelle, Marcelle Ferron, M.-A. Suzor-Côté, Jean Paul Lemieux… ils sont tous là.

Astrid m’explique la place de ces artistes dans l’histoire de l’art et du Québec : comment les automatistes tentent de saisir l’émotion d’un moment, l’impression d’un paysage; comment la rigidité des personnages de Lemieux représente l’oppression du catholicisme et de Duplessis.

Ces œuvres sont pour un public averti. Elles sont rares et dispendieuses. La plupart des Riopelle, par exemple, sont désormais dans des musées et des collections privées. Ces œuvres inestimables seront envoyées à la galerie de Toronto après la fermeture.

Les artistes contemporains

Ce qui fait le charme de la galerie Bigué, c’est qu’elle expose aussi des œuvres d’artistes contemporains. Un buste de Jean-Louis Emond, un autoportrait de l’artiste, est fait de triangles de bronze soudés ensemble et courbés à la main. « Vous devriez voir ses bras! », plaisante Astrid.

Photo : Simon Cordeau

On voit aussi les mosaïques multicolores de Karine Demers, faites de petits triangles pliés. La lumière crée des ombres acérées, mais lorsqu’on s’aperçoit qu’il s’agit de triangles de papier, l’œuvre révèle une surprenante fragilité. Geneviève Pratte, quant à elle, peint des compositions abstraites et lumineuses, qui rappellent des champs de fleurs apaisants.

Astrid travaille étroitement avec ces artistes. C’est le défi, facilité par l’expérience, de trouver des artistes aux œuvres uniques, mais qui n’exposent pas dans trop de galeries. Elle donne l’exemple de Mme Pratte. « J’ai vendu onze de ses œuvres ce mois-ci. Il faut qu’elle me les remplace. Si elle exposait dans cinq galeries, elle n’aurait pas le temps. » Ce qu’Astrid veut éviter à tout prix, c’est un artiste qui produirait ses œuvres à la chaîne. Ces dernières perdraient alors leur magie, leur originalité ou leur exclusivité.

Malheureusement, avec la fermeture, ces artistes devront revenir chercher leurs œuvres.

Les clients

Ce qui désole le plus Astrid, peut-être, c’est de perdre la relation privilégiée, voire intime, qu’elle a avec ses clients. Certains viennent faire leur tour régulièrement, pour voir les nouvelles œuvres. Plusieurs fréquentent la galerie depuis des années et partagent les hauts et les bas de leur vie avec elle. « J’espère que plusieurs d’entre eux pourront venir, une dernière fois, avant la fermeture le 10 octobre », conclut Astrid.

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