La pauvreté a plusieurs visages

Par benerice-jette

L’histoire de Nadia

La pauvreté se cache sous toutes sortes de masques. Elle peut durer une vie entière, ou n’être que de passage. Mais une chose est certaine, sa présence pèse lourd sur les épaules des plus démunis. Portrait d’une mère, qui n’a rien des clichés qu’on se fait de la misère, et qui pourtant se débat pour garder la tête hors de l’eau.

«Je suis bachelière en enseignement de l’art plastique. J’ai mon brevet. J’ai eu plusieurs contrats temporaires, mais je n’arrive pas à obtenir un poste d’enseignante», déplore celle que nous nommerons ici Nadia.

Nadia est mère monoparentale de deux filles de 11 et 15 ans: «Une fois séparée, je suis venue m’établir dans les Laurentides. J’étudiais alors à l’université et, ne recevant pas de pension, je me suis débrouillée. J’ai déniché une petite maison qui ne me coûtait presque rien à Saint-Adolphe, mais il n’y avait pas d’électricité. On a vécu là trois ans, durant lesquels je chauffais au bois et faisais bouillir de l’eau pour le bain. Je voyageais jusqu’à Montréal pour mes cours, et revenais le soir bûcher du bois! Les filles ne m’ont jamais vue pleurer et n’ont manqué de rien, mais j’en ai arraché», raconte Nadia.

En couple depuis quelques années, Nadia et son conjoint ont ensemble trois adolescents: «Les lunchs, les vêtements, le matériel scolaire,… la vie coûte chère. On adore nos enfants et on voudrait tout leur donner, mais on n’a pas les moyens de leur offrir des cours ou des équipements de sport. Je les trouve bons. Ils se contentent de ce qu’on a. J’ai trouvé des planches à neige usagées à 5$ dans une fouillerie, et ils s’amusent beaucoup avec. Il faut être créatif», explique la mère.

La difficulté pour Nadia à se trouver un poste, et d’autres embûches de la vie, ont mené le couple vers une faillite certaine. Comme ils étaient à se construire une maison, le manque de fonds les a contraints à laisser leur projet en plan. Ayant accumulé des heures de travail lors des différents contrats de remplacement, Nadia a eu droit au chômage pour un moment. Mais, à la fin de ce dernier, la misère a repris le dessus: «Prisonnière de notre situation financière, j’ai perdu la tête», souligne Nadia. Psychologiquement au bord du gouffre, la jeune femme ne voyant d’issu qu’en la mort ou la fuite, a pris tout le courage qui lui restait et s’est rendue à l’urgence pour quérir de l’aide.

Référée au CLSC, elle a reçu le support d’une travailleuse sociale. Une évaluation a révélé que son ménage était éligible à l’aide alimentaire desservit par le Garde-manger des Pays-d’en-Haut. «Au début, épuisée, je ne me suis pas posé de questions. Mais à un moment, je me suis sentie en colère…enragée! J’étais révoltée contre la société, contre le système me mettant devant une réalité inacceptable. Je me demandais:  »pourquoi moi? J’ai pourtant étudié longtemps, j’ai suivi le bon chemin…ça ne se peut pas », et j’ai arrêté d’utiliser l’aide alimentaire durant trois semaines. J’ai dû toutefois me rendre à l’évidence qu’on en avait besoin. Même si on travaille, on n’arrive pas. Des vêtements, on peut en trouver usagés, mais la bouffe: c’est l’horreur. On ne peut pas l’inventer.»

Un an plus tard, l’aide fait partie de la vie: «Une fois que l’orgueil s’éteint, un sentiment de soulagement s’installe: je sais que je peux nourrir mes enfants. J’utilise tout ce qui m’est remis jusqu’à la dernière miette. Cette aide est précieuse», note la maman.

«Pour plusieurs, comme pour nous, la pauvreté est conjoncturelle. Je sais aussi qu’elle peut être temporaire. Accepter notre réalité du moment et accepter l’aide permet de souffler un peu, et de garder de l’énergie pour remettre de l’ordre dans nos vies, au lieu de passer tout notre temps à se demander comment on va se rendre au lendemain», conclut Nadia, donnant à la pauvreté un visage qu’on ne lui aurait pas prêté.

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