La rentrée des rentrées!
Pour une rentrée, c’en est toute une! Les ouragans. Les élections fédérales qu’on nous avait pourtant annoncées à date fixe. Mario Dumont qui a trouvé la cause des émeutes dans les quartiers défavorisés: la faute à l’école! La télévision sur l’Internet. Les Canadiens de Montréal qui fêteront cette année leur centième saison. Et puis l’automne qui «rentre» un peu trop tôt à mon goût… Ça rougit déjà dans les Laurentides.
De toutes ces rentrées, c’est celle de l’école qui me préoccupe le plus. Je me réveille cette année avec trois enfants à l’Académie Lafontaine. Mon beau-fils Rémi termine en cinquième secondaire. Ma filleule Gabrielle entame la troisième. La plus jeune, Florence, arrive en première année. Trois enfants dans une école privée, alors que Virginie se déroule dans une école publique du Centre-sud de Montréal. Une contradiction qui m’interpelle, comme disent les gourous de la croissance personnelle.
Mario Dumont et Sébastien Proulx me confortent dans l’idée que je ne suis pas la seule mêlée en la matière. La violence serait une conséquence de l’échec de notre système scolaire? Mario et Sébastien seraient-ils à court de slogans pour influencer les sondages?
L’école a besoin de changement, clame l’ADQ. J’ai plutôt l’impression que c’est le contraire. L’école n’en finit plus de changer. En fait, elle change dans les formes, parce que sur le fond, elle ne peut pas changer beaucoup. Apprendre sera toujours apprendre.
Depuis le milieu des années 70, des générations d’élèves, dont j’étais, ont fait les frais des multiples refontes du système d’Éducation. Il fallait devenir une «personne totale», aborder l’institution scolaire comme «un milieu de vie», oublier la compétition et les exigences de réussite pour traverser des «étapes de croissance». Piètres résultats.
C’est la société qui crée l’école et pas l’inverse. Ce sont les détenteurs de pouvoir, politiques, gens d’affaires, qui installent le système dans lequel nous vivons. Ce sont eux qui nous doivent la vérité. Et la vérité, c’est que la société est hautement compétitive, capitaliste comme jamais auparavant, inhumainement orientée vers le profit et la concentration des forces économiques entre les mains de quelques-uns.
Dans les années 80, une compagnie pharmaceutique, installée à Grenoble, avait fait immigrer massivement de la main-d’oeuvre d’Afrique du Nord. Ces travailleurs exigeaient des salaires moins élevés que le travailleur français moyen. Après quelques déboires économiques, la compagnie a fermé son usine. Les familles sont restées à Grenoble. La misère s’est installée. Cette charmante petite ville des Alpes s’est rapidement criminalisée.
Vers la même époque, le Ministre Alain Peyrefitte, alors Ministre de la Justice, commanda une vaste étude sur la violence aux alentours de Paris. La cause identifiée fut le manque de verdure dans les faubourgs. Effectivement, moins il y avait d’arbres, plus il y avait de délinquants. L’expert était probablement adéquiste sans le savoir.
Les corrélations ridicules ne manquent pas. Plus il y a de mosquées dans une ville et plus il y a de meurtres. Plus il y a de boutiques de lingerie fine, et plus il y a de viols. Plus il y a d’enseignants au Québec et plus il y a de décrocheurs. On ne peut pas exiger d’un enseignant qu’il contourne, ou détourne, les influences sociales et familiales. À plus forte raison en milieu défavorisé.
On veut moins de décrochage? On veut moins de violence? Préparons nos enfants au cynisme ambiant. Au primaire, imprimons dans leur esprit que la solidarité sociale est une valeur périmée. En première secondaire, formons-les à la guérilla de bureau. En deuxième, apprenons-leur à mentir. En troisième, les élèves pourraient se familiariser avec le détournement de fonds publics. En quatrième, avec l’évasion fiscale. En cinquième, avec les paradis fiscaux. Le collégial pourrait se dévouer tout entier au démarrage d’entreprise.
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L’école est facile à attaquer. On ne peut pas demander aux enseignants de compenser pour l’indifférence des parents. On ne peut pas leur demander de contrer à eux seuls la dissolution du lien social. On ne peut pas exiger qu’ils soient à la fois des maîtres, des éducateurs et des policiers. On ne peut pas non plus demander aux enfants de ne pas imiter les adultes qui s’isolent, pratiquent l’égoïsme à large échelle et mangent du prochain trois fois par jour. Finalement, on ne peut pas demander aux parents des milieux défavorisés des efforts que nos élites ne font pas. L’école fait partie de la société. Par nos actions quotidiennes, nous créons cette société. Tolérer la misère, c’est engendrer la violence.